Le crac

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L'on pouvait compter le nombre de femmes de la vie de Blaise sur les doigts d'une main, et il resterait même des doigts. Bien sûr, il fallait beaucoup plus de doigts pour compter celles d'une nuit. Mais celles de sa vie, il n'y en avait que deux. Alexa, sa mère, et Pansy, sa meilleure amie. Daphné Greengrass pourrait bien être la troisième, et certainement la dernière, s'il en lui donnait l'opportunité. Ses relations à la gent féminine étaient relativement simples pour Blaise : il utilisait les femmes pour un peu de bon temps mutuel, et il passait à la suivante. Blaise avait effectivement vu sa mère plonger dans la maladie, et assassiner multiple de ses maris. Il l'avait également vue être détruite quand son père avait perdu la vie, et il avait vu à quel point elle n'avait plus été elle-même pendant des mois après cela. Blaise ne pouvait pas se rappeler ce qu'il avait pensé à ce moment-là, mais il était conscient que son incapacité à s'investir amoureusement avec une femme devait être en lien avec ces expériences, et avec celle-ci en particulier.

L'amour lui avait toujours semblé trop dangereux. Trop risqué. Pour quelle étrange raison donnerions-nous le pouvoir quasi intégral à quelqu'un d'autre de nous rendre heureux, ou malheureux ? Le pouvoir incroyable de pouvoir affecter absolument et totalement notre humeur en fonction de leur comportement envers nous ? Pour quelle curieuse raison offririons-nous notre confiance aveugle à quelqu'un que nous ne pouvions jamais vraiment connaître, en sachant que nous ne nous connaissions jamais vraiment nous-mêmes ? Il lui semblait qu'il fallait être fou, quelque peu aliéné pour se risquer à de telles choses. Bien sûr, il savait que parfois l'amour pouvait être agréable. Il avait entendu Pansy, la deuxième femme de sa vie, lui parler de son amour pour Theodore au fil des années en long, en large et en travers. Mais c'était là exactement ce qu'il en avait retenu : elle était absolument et totalement dépendante de ce que Theodore avait à lui offrir. Du sourire qu'il lui donnerait, ou non. Du rire qu'elle entendrait, ou non. Du ton de sa voix quand il lui dirait bonjour. Il l'avait également vu pleurer, beaucoup pleurer dernièrement, par rapport à Theodore. Il avait vu la souffrance qu'elle avait endurer quand elle avait dû le torturer de sa propre baguette. Il avait vu la terreur et la douleur en elle quand elle lui avait demandé de faire en sorte de ne pas devenir Grand Intendant, et l'impuissance dans laquelle elle se trouvait. Parce qu'elle ne pouvait pas avoir ce qu'elle voulait de lui, mais qu'elle était coincée. Parce qu'elle l'aimait. Plus que cela, parce qu'elle était totalement dépendante de lui. Tout cela ne disait pas grand-chose à Blaise, qui considérait que pour trouver du soutien, rire et discuter profondément, il avait ses amis. Et pour le sexe, il avait la terre entière. De quoi pouvait-il avoir besoin de plus ? Pourquoi s'accrocher de la sorte à une seule et unique personne, alors qu'il savait parfaitement, l'expérience le lui avait démontré, que rien n'était éternel ? Ni les gens, ni les sentiments. Rien du tout. La seule chose que Blaise savait pour vraie dans cette vie, c'était que rien n'était jamais certain. Parfois, vous pouviez vous endormir à côté d'une personne que vous pensiez connaître par cœur, et vous réveiller à côté de quelqu'un d'autre. Cela, sa mère le lui avait démontré. Parfois, vous pensiez être bien installé dans votre vie, savoir de quoi le lendemain sera fait, en être même très satisfait, mais d'un coup votre partenaire décidait que ce n'était plus assez pour lui, et vous n'aviez rien vu venir, et soudainement votre monde s'écroulait. Et cela, sa mère le lui avait démontré.

Blaise avait également entendu toutes les histoires, en grandissant, à propos de toutes ces personnes mariées qui allaient coucher à droite et à gauche. Il ne comprenait pas très bien pourquoi ces personnes-là étaient mariées, il ne comprenait toujours pas d'ailleurs. Bien sûr, il savait que ces gens-là trouvaient dans le couple principal un filet de sécurité, quelque chose de routinier qui avait tendance à rassurer la plupart des gens, un pilier dans la vie qui aidait à avancer, quelque chose de stable quand bien même c'était quelque chose de chiant. Lui, ce côté routinier l'angoissait. Parce que nous ne pouvions jamais savoir. Nous ne pouvions jamais savoir si l'autre personne était réellement et totalement avec nous, et avec nous uniquement. Nous ne pouvions jamais savoir quels étaient réellement ses projets, une rupture prochaine, une aventure avec un collègue de travail pour se sentir vivant, ou pire encore le désir d'avoir un enfant avec vous. Tout cela était des questions que Blaise n'avait pas la moindre envie de se poser, et des préoccupations pour lesquelles il n'avait pas de place dans sa vie. Il connaissait la nature humaine intrinsèque. Il savait que les gens mentaient, trahissaient, trompaient. Ce n'était pas une prise de risque qui lui semblait en valoir la peine, parce que là encore, il avait vu ce que cela faisait, de l'autre côté, à la personne qui ne savait pas. A la personne qui se prenait soudainement tout cela en pleine gueule, que son partenaire ne l'aimait plus, ou la trompait, ou lui avait menti, et qui voyait son monde s'écrouler. Parce que c'était cela, l'erreur humaine. Les gens amoureux offraient un pouvoir total sur eux-mêmes à l'être aimé. Le pouvoir de construire ou détruire l'intégralité de leur monde à la fois physique et psychique. Cela, pour Blaise, était de la pure folie.

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