Je savais que je me dirigeais droit vers ma mort. Je savais que j'étais condamné, à chaque nouveau pas que je faisais, le corps vide de Pansy reposant lourdement dans mes bras, frappant contre mon poitrail de toute sa rigidité mortuaire. Je savais parfaitement, et ce sans le moindre doute, que je condamnais l'intégralité de ma vie en empruntant ce chemin. Pas après pas, je traversais les jardins du manoir plongés dans la nuit, rafraichis par la pluie. La peur serrait mon ventre, mais ce n'était pas à cause de ce que je m'apprêtais à faire. Je n'avais pas la moindre peur, pas le moindre doute, pas le moindre « et si... » trainant dans un recoin de mon esprit vis-à-vis de ma décision. Il n'y avait que la terreur que j'échoue, et que je perde mon frère à jamais. J'avais une chance, une seule. Il n'y en aurait pas deux. Soit cela fonctionnait, soit il mourrait, et je le précéderai d'ailleurs indubitablement. Et la terreur qui m'assaillait en cet instant en était une que je connaissais désormais que trop bien, et que je me refusai à reconnaître comme une compagne de vie. Il paraissait que l'être humain pouvait s'habituer à tout, s'accoutumer de tout, du pire comme du meilleur. Qu'au bout d'un moment, la douleur ou le bonheur - même des plus intenses - devenaient notre quotidien, et en cela ils n'avaient finalement plus rien de particulièrement intense ou de notable. Il n'était pas une option qu'il me devienne familier que de me demander si mon frère survivrait les prochaines 24heures, puis les suivantes, et les suivantes encore. Alors c'était cela, ma plus grande angoisse.
J'avais remarqué que lorsque l'on apprenait à connaître quelqu'un, souvent certains demandaient « c'est quoi, ta plus grande peur ? ». La mienne avait toujours été la même, parce que j'avais été conscient bien trop tôt que Theodore était mortel, et que sa vie était dangereuse, que ce fut lorsqu'il s'agissait de son père ou plus tard du Seigneur des Ténèbres. J'avais grandi en attendant son retour, la peur abominable retournant mon ventre que peut-être, peut-être ce jour-ci il ne me reviendrait pas.
Dans nos plus jeunes années, j'avais concentré mon énergie à mériter et gagner sa confiance. Il m'avait toujours semblé être un petit garçon si mystérieux, avec quelque chose d'inhéremment précieux qui lui était propre, et propre à lui seulement. Il m'avait toujours profondément touché, simplement dans la forme la plus pure de ce qu'il était : un petit garçon effacé et terrorisé. Il ne fallait pas être Dumbledore pour comprendre, même alors que je n'étais pas âgé de 5 ans à l'époque, qu'il lui arrivait des choses qui n'étaient pas censées arriver à un enfant de cet âge-là. Je ne savais pas si je l'avais considéré comme un projet, comme une sorte de challenge ou de défi personnel, et à vrai dire je n'en avais absolument rien à foutre. Je savais simplement que je le voyais, haut comme trois pommes, avec ses cheveux noirs ondulés qui retombaient lourdement sur ses incroyables yeux que je ne pouvais jamais rencontrer, et que mon cœur se brisait chaque fois que c'était le cas, et pourtant, à chaque fois également, je me sentais un peu plus entier. Maintenant que je savais quel lien existait vraiment entre lui et moi au niveau théorique, bien que je l'expérimentais en pratique depuis des années déjà, je comprenais d'autant plus. Sa souffrance était la mienne, et elle l'avait toujours été. Et je n'étais entier que lorsqu'il était à mes côtés.
Chaque fois qu'il repartait avec son père après le moindre de mes minuscules progrès avec lui - un regard en coin intrigué, un pincement de lèvres pour s'empêcher de rigoler, son visage porté un millimètre plus haut, une main aventurière hésitant à saisir un de mes jouets – je sombrai dans la souffrance avec lui. Je ne le comprenais pas à l'époque, mais il m'obsédait déjà autant la nuit que la journée. Et la seule chose à laquelle je pensais, à toute heure du jour et de la nuit, qu'il fut présent à mes côtés ou enfoncé dans les abysses de ses enfers, était « que puis-je faire pour que Theo aille bien ? ».
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Dollhouse
FanficSuite aux multiples échecs de son père pour mener à bien les tâches données par le Seigneur des Ténèbres, Drago Malefoy se voit dans l'obligation de le remplacer dans ses rangs. Ses plus proches amis, Pansy Parkinson, Blaise Zabini et Theodore Nott...