Le baiser du dragon

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Jour 1.

Nous avions kidnappé une quarantaine de sang-de-bourbe grâce à la liste de mon père. Autant que nous l'avions pu, nous avions pris des hommes dans la trentaine, bien que dans le secteur que nous nous étions attribués nous avions dû prendre quelques femmes également. Nous avions tantôt frappé directement à la porte de leur maison, pénétré de force dans les lieux, les avions fait disparaître en un clin d'œil alors qu'ils étaient en route pour le travail, ou nous étions battus contre les plus réactifs d'entre eux. Nous nous étions assurés que chacun d'entre eux ait et prenne sa baguette avec lui. Certains d'entre eux travaillaient pour le Ministère de la Magie. C'était la Guerre. Si le meurtre de Dumbledore n'était pas un signe suffisant que celle-ci avait démarrée, ce que nous venions de faire, Theo et moi, l'était.

Nous les avions ensuite tous entassés dans un champ désertique non loin de l'endroit que Theo avait trouvé et les avions retenus-là prisonniers jusqu'à ce que nous soyons au complet, et prêts à démarrer le réel travail. Theo m'avait attentivement surveillé pendant nos kidnappings, quand bien même il avait été d'une efficacité qui ne permettait pas de supposer qu'il était distrait dans son travail. En fait cela avait été une réelle force de l'avoir avec moi dans cette mission, et je mentionnais-là bien plus qu'une simple force physique indéniable. Je m'étais ancré en lui. Je m'étais ancré en sa présence et le fait qu'il soit encore en vie pour pouvoir faire cette mission avec moi. Je m'étais ancré dans le fait que s'il était encore là ce n'était que grâce à ce que j'étais devenu, et que si je voulais qu'il me reste, je devais le rester.

Il m'avait semblé que les kidnappings s'étaient révélés... relativement faciles. Peut-être était-ce parce que Theo était à mes côtés et que chaque fois que je faiblissais un peu l'image de sa gorge tranchée me hantait assez pour redevenir le monstre qu'il fallait que je sois, ou peut-être était-ce parce que j'avais assez dormi pour pouvoir contrôler convenablement mon esprit, je ne le savais pas. Tout ce que je savais c'était que bien que mon cœur se soit pris bien plus de coups que mon corps ce jour-là, j'étais parvenu à faire ce que j'avais eu à faire, tout du moins la première étape de ce que je devais faire. Et en l'état actuel des choses, j'avais besoin de chaque preuve que je pouvais rassembler qu'effectivement, j'étais capable d'être Grand Intendant. Capable de faire des choses abominables. Capable de protéger ma famille, en somme.

Je ne m'offrais pas le luxe de prendre le temps de me baigner dans mes ressentis, que ceux-ci furent physiques ou émotionnels. Ce n'était que de l'évitement et je le savais, quand bien même sur l'instant je ne me permettais pas de le songer. Je ne me permettais de songer à rien en vérité. Je me concentrai simplement sur effectuer les gestes physiques qu'il m'était nécessaire de performer afin de kidnapper le plus rapidement possible et le plus proprement possible (parce que s'ils étaient blessés il aurait d'abord fallu les soigner afin qu'ils puissent travailler) ceux que nous avions sélectionné, sans ne rien penser. Je contrôlai mon esprit pour couper tout ce qu'il y avait d'humain en moi afin de pouvoir effectuer en mode automatique ce que j'avais à faire. Et pour l'instant, il me semblait que c'était tout ce que je pouvais faire. J'étais quelque part soulagé de constater que cela m'avait l'air de fonctionner. Si je dormais assez, je pouvais contrôler mon esprit et mes émotions avec un savoir-faire pour le moins remarquable. Et cela me laissait espérer que peut-être, simplement peut-être, que je pourrais y arriver.

En raison du lieu que Theodore avait trouvé, et puisque, je commençais à le comprendre, il avait tendance à avoir un certain effet intimidant sur les gens, je survolais le champ désert perdu dans les hautes montagnes écossaises sur le dos de Ragnar. Theodore, qui avait simplement transplané là-bas puisqu'il connaissait désormais ce lieu qu'il avait déniché, commençait à lancer des sorts d'emprisonnement sur nos prisonniers quand je passais au-dessus d'eux. Leurs visages terrorisés se levèrent vers l'énorme dragon que je chevauchais et certains tentèrent de reculer, sans succès, lorsque j'atterrissais tandis que Ragnar faisait trembler le sol de son poids. Je me concentrai encore une fois sur la simple et unique tâche de contrôler mon esprit, et faire ce que j'avais à faire tel qu'un robot opérerait. Il me sembla entendre des chuchotements au loin :

DollhouseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant