L'amour n'est pas le seul moteur qui soit

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Il paraissait qu'il fallait laisser passer 72heures pour digérer une émotion. Il paraissait qu'au bout de 72heures, il était mieux avenu de nous fier à nos ressentis. Qu'après ce temps-là, les ressentis à vif étaient passés, et que nos décisions et réactions devenaient plus éclairées. Alors j'avais attendu. J'avais attendu que les 72heures passent en m'accrochant à l'idée qu'après cela, ça irait mieux. Que je ne serais plus simplement écrasé par la peine, la douleur, la culpabilité et la tristesse, et que je pourrais à nouveau fonctionner convenablement. Ce ne fut pas le cas. J'avais assisté à mes classes tel un fantôme, participé aux dîners avec mes amis comme si j'étais totalement transparent, et je m'étais couché chaque nuit en priant de ne pas revivre mes pires cauchemars devenus ma réalité. Mes amis, connaissant parfaitement mon mode de fonctionnement depuis des années, avaient tenté ce qui généralement fonctionnait lorsque je me sentais ainsi : occuper mon esprit en le faisant travailler. Je ne les avais pas entraînés à l'occlumencie, je n'en avais pas eu la force physique et la magie nécessaire, mais nous avions réfléchis à notre problème quant à l'armoire à disparaître, en vain. Et puis Pansy avait trouvé des sujets qui m'intéressaient généralement, notamment des sujets politiques et m'avait poussé à débattre et à tenter de les résoudre pour m'aider à oublier ma peine et soulager le poids de mes angoisses. En vain.

- Je pense qu'il faut que le Ministère soit plus exigeant sur les conditions d'entrée à Poudlard et mette en place une sorte d'examen d'entrée pour commencer une sélection avant même la première année, avait-elle commencé. Pas quelque chose de foncièrement dur ou avancé, mais juste assez pour repérer les élèves réellement motivés par leur éducation et voir ceux qui ont fait l'effort de s'y préparer, histoire d'éviter les bras cassés qui sortiront quand même diplômés au final. Qu'est-ce que t'en penses Drago ? m'avait-elle demandé.

J'avais haussé les épaules et répondu que je ne savais pas. En vérité je considérais qu'elle avait tort. Nombre d'étudiants se révélaient durant leurs études, et ce parfois bien après leur première année. Je supposais que ce serait une erreur que de partir du principe qu'il fallait décider de l'avenir d'une personne avant même son entrée à l'école. Des gamins comme Theodore ne seraient jamais éduqués si son idée était en vigueur. Mais je n'avais pas eu la force d'entrer dans ce débat ou d'exposer mes idées et arguments. A quoi bon ? Les vies de tous les élèves de cette école étaient menacées par notre faute, et nous continuions de prétendre que notre éducation, que les cours, les devoirs et les examens comptaient encore. Je savais que Theodore ne trouvait plus le moindre sens à ce que je lui explique les cours que nous avions eus une fois que tout le monde dormait, nous ne serions jamais diplômés de toute façon. Mais il me laissait faire, parce qu'au fond il savait que cela comptait pour moi. Cela faisait partie de ces rares moments où nous pouvions prétendre que tout était encore normal, parce que nous faisions ce que nous avions toujours fait depuis la première année. Mais cela n'avait plus le moindre sens.

Blaise avait tenté de me faire rire, comme il le faisait toujours. Il avait commencé par raconter qu'il envisageait d'inviter Daphné Greengrass à sortir à nouveau avec lui, malgré le fait qu'elle lui avait foutu une tarte devant tout le monde l'année passée après qu'il ait oublié son nom après avoir couché avec elle. Pansy était rentrée dans son jeu et avait surenchéri avec des piques bien senties qui me faisaient habituellement rire, et Blaise avait tout fait pour se ridiculiser au maximum afin de m'arracher un sourire. En vain. Daphné Greengrass allait mourir. Blaise lui-même allait peut-être mourir bientôt. Je n'étais pas en capacité de concevoir ce qu'il pouvait y avoir de drôle là-dedans. Plus rien n'avait de sens. Puis Blaise avait tenté de pousser les choses plus loin. Il avait prétendu avoir abusé de la bouteille et s'était mis en caleçon dans notre salle commune, avait pris son balai pour micro et nous avait donné un spectacle ridicule dans lequel il se prenait pour une mauvaise star, et avait chanté à tue-tête. Je n'avais pas pu m'empêcher de penser que son corps serait peut-être bientôt dépourvu de vie, et qu'il ne pourrait plus jamais chanter, peu importait à quel point il chantait faux.

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