Sydney:
Assise sur un banc dans un parc, je contemple l'horizon qui me renvoie la plus belle vue possible sur Manhattan.
Mon café dans les mains me les réchauffe à travers la tasse en carton achetée dans un Starbucks.
Mes pensées divaguent de mon père à Stanley et de Stanley à mon père.
Six mois se sont écoulés depuis que Stanley est réapparu dans ma vie, me faisant sortir de mon état de dépression et bousculant à nouveau ma réalité.
Mon portable ne cesse de vibrer dans ma poche, mais il y a bien longtemps que j'ai pris le réflexe de cesser de regarder les identifications qui me sont destinées sur les réseaux sociaux.
Depuis qu'Aaron a fait fuiter que Georges n'est pas mon père, tout New-York s'est improvisé détective privé.
Chaque jour qui passe emplit d'avantage mes boîtes de réception, me trouvant des ressemblances physiques avec toutes sortes de célébrité que ma mère a plus ou moins connues.
Les gens de cette ville sont davantage impliqués que moi dans cette enquête pour retrouver mon géniteur.
L'ironie dans tout ça c'est que de toute la ville je suis probablement la seule personne qui ne cherche pas à savoir et qui se contente de continuer sa vie.
Enfin continuer ma vie n'est bien sûr qu'une façon de parler.
La réalité de la situation est que ma vie n'a plus rien à voir avec ce qu'elle a été il y a un an.
Je n'ai plus de lycée, je ne sais plus qui est mon père et je suis avec Stanley.
De ce côté là Bradley et moi arrivons à sauver les apparences. De toute façon les médias ne s'arrachent plus notre mariage comme sujet croustillant pour leurs pages de papier mais bien l'identité de mon père. Si je m'efforce d'ignorer ce qui s'en dit, la presse, elle, s'attarde sur chaque théorie et chaque hypothèse, toutes plus stupides les unes que les autres.
Au loin, le bruit des taxis me rappelle que malgré tout ça, la vie continue et que dans quelques mois ou quelques années, tout ça ne sera plus qu'un lointain souvenir.
Est-ce que je saurai qui est mon père d'ici là ?
Probablement pas au vu de ma détermination à rester dans le déni.
Un couple de vieilles personnes qui se promènent passent devant moi.
L'homme ne cesse de me jeter des regards indiscrets par dessus la tête de sa femme qui parle dans le vide pensant probablement parler à son mari. Le couple finit par disparaître derrière un arbre, s'absentant au passage de mon champ de vision.
Mon gobelet vide, mes joues rougies par le froid et mes doigts glacés, je me dirige vers la berline dans laquelle Julian m'attend patiemment depuis presque deux heures.
Le chauffage allumé réchauffe l'habitacle et me plonge dans un sentiment de plénitude.
Je regarde le paysage défiler derrière la vitre.
Ce paysage dans lequel j'ai grandi, ce paysage dans lequel j'ai vécu, je vis et je vivrais...
Avant Stanley ma vie était tracée par les décisions qu'ont pris mes parents avant même que je ne vienne au monde.
Désormais mon avenir est incertain et bancal en commençant par mes études.
Je suis scolarisée à la maison mais ça ne peut me conduire à aucun diplôme.
Le seul que cette situation énerve c'est Victor.
Sans diplôme je ne peux pas aller en fac de droit, et sans fac de droit je suis une honte pour ma famille. Ainsi les choses ne sont pas si différentes finalement.
Julian me dépose au bas de l'immeuble en mauvais état dans lequel vit Stanley.
À la fin de l'été il m'a présenté à ses parents.
Avec eux c'est comme si je faisais déjà partie de la famille, ils m'ont traitée comme si j'étais leur deuxième fille.
Je monte les escaliers sans sonner à l'interphone pour la simple et bonne raison qu'il ne fonctionne pas.
Avant de rencontrer Stanley il m'était impossible d'imaginer un interphone dysfonctionnel, même les lumières dans le couloir ne fonctionnent plus, donnant à l'endroit une dimension horrifique.
La lumière au-dessus de moi clignote, me permettant de distinguer les numéros sur les portes des différents appartements.
Laura, la mère de Stanley, vient m'ouvrir quand je frappe à la porte.
Elle m'accueille avec un sourire chaleureux comme à chaque fois que je viens ici et m'indique que Stanley est dans sa chambre.
Allongé sur son lit, son ordinateur sur les genoux, Stanley relève la tête dans ma direction. Ses yeux se posent dans les miens, me faisant frissonner.
Je me rapproche de son lit, attrape délicatement son ordi qui tombe en lambeau et le pose sur son bureau avant de revenir à Stanley.
–Il faut vraiment que je te rachète un ordinateur.
–Eh, ne te moque pas de mon ordi, il fonctionne très bien.
Je jette un coup d'œil à la dérobée sur l'appareil dont le coin de l'écran tient avec du ruban adhésif.
Les touches du clavier sont devenues illisibles avec le temps et le moteur fait tellement de bruit que l'on croirait que quelqu'un passe l'aspirateur chaque fois que nous regardons un film ensemble.
Je m'assois sur le lit à côté de lui et cale ma tête sur son épaule.
–C'est une antiquité.
–Tant qu'il accède encore à internet je ne m'en plains pas.
Je lève les yeux au ciel et abandonne la bataille, sachant pertinemment qu'il a gagné. Nos différents points de vue sur la vie nous ont valus plusieurs fois ce genre de conversation. Au cours de l'été Stanley m'a fait nager dans un lac du Queens qui aurait donné un arrêt cardiaque à ma mère rien qu'à la couleur de l'eau. J'ai découvert son monde de la même manière qu'il à découvert le mien. Je me suis étonnement sentie comme chez moi dès les premiers jours. Je n'ai pas hésité à sauter dans ce lac dont le fond était invisible. Je me suis vite habitué à la mauvaise qualité de l'ordinateur de Stanley et au fait que sa mère fasse à manger elle-même. Ici, tout le monde se fout de la manière dont je suis habillée. Personne ne me dévisage si je ne me coiffe pas le matin. Pour la première fois de ma vie, je me sens à ma place.
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My dear husband (My dear intern T.2)
RomanceUn an après le retour de Stanley dans la vie de Sydney, cette dernière se bat contre l'emprise médiatique qui pèse sur la véritable identité de son père. Même si elle tente de ne rien vouloir savoir, la tentation est trop importante. Mais quel est c...