Chapitre 18

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Sydney:

C'est la première fois que je vois ma mère en pyjama à trois heures passés de l'après-midi.

Assis à nos places habituelles autour de la table de la salle à manger personne n'ose prononcer un mot.

Ma mère, le regard dans le vide, semble en pleine contemplation du sol.

Le silence est pesant mais, je ne le brise pas moi même par manque de mots pour exprimer ce que j'ai à dire de la situation.

Je remercie intérieurement Georges quand il finit par prendre la parole.

–Sydney, où étais- tu ces deux derniers mois?

Je dois avouer que ce n'est pas le sujet dont j'avais le plus hâte de parler mais, il faut bien commencer quelque part.

–J'étais dans le Bronx. Dis-je en toute honnêteté.

Je n'ai aucun intérêt à leur mentir même si je sais que le Bronx est le dernier endroit dans lequel ils voulaient me retrouver. Dans un sens c'est pour cette raison que j'ai décidé de prendre cette destination. Je savais que je ne pouvais pas quitter New-York sans me faire repérer alors que suis restée ici, dans le seul endroit de cette ville où j'étais certaine qu'ils ne me chercheraient pas.

Ma mère redresse la tête d'un coup soudainement intéressée par ce qui se passe devant elle.

–Le Bronx?

–Oui.

Elle laisse ses bras tomber mollement sur ses genoux semblant dépassée par la situation.

C'est comme si l'endroit où j'était est plus grave que la raison qui m'a poussé à partir.

–Pourquoi?me demande-t-elle.

J'hausse les épaules lui répondant le plus naturellement possible.

–Je ne voulais pas que vous me trouviez.

–Tu aurais pu aller chez Stanley.

–Non, je ne voulais voir personne.

–C'est d'un égoïsme.

Mon père et moi regardons ma mère dont toute trace d'inquiétude à disparue laissant place à la colère.

Le soulagement était sa principale émotion quand je suis rentrée hier soir mais, aujourd'hui, maintenant, elle n'est que colère.

Elle se lève de sa chaise et me fait face, son regard froid plonge dans le mien.

–J'ai vécu toute ma vie à fermer les yeux si ce qu'il m'avait fait. Je t'ai élevée dans la crainte que tu ne le choisisses. Je t'ai regardé grandir avec la seule pensée que tu étais la fille de ce monstre et toi tu parts, tu disparais pendant deux mois alors que ce n'est même pas toi qui à été violée dans la maison où tu dois vivre tous les jours!

–Pénélope...

Tente d'interrompre mon père mais elle continue.

–Je peux comprendre le choc que ça t'a fait mais, bordel Sydney tu n'avais pas le droit de me faire ça! En plus, dans le Bronx! Te rends- tu compte du danger auquel tu étais exposé!

Georges la fait se rasseoir.

À bout de souffle elle obéit et ne dit plus rien laissant des larmes dévaler à nouveau ses joues.

–Ta mère à raison, nous étions inquiets.

–Je sais, et j'en suis désolée. Je suis là maintenant, je ne vais nulle part.

–Comment as tu survécu dans ce quartier aussi longtemps?

–Si je te le dis ça ne va pas te plaire.

–Ta mère et moi avons le droit de savoir Sydney.

–Très bien, j'étais...chez Joseph.

Un silence s'ensuit, ma mère tape le plat de ses deux mains sur la table, se lève et disparaît faisant taper bruyamment ses pieds sur le sol.

–Joseph? C'est celui auquel je pense?

–Qui d'autre?

Il se perd un instant dans ses pensées.

Ses yeux divaguent de gauche à droite devant lui.

Joseph est quelqu'un de connu dans le monde de la justice, les délits qu'il a commis vont d'un simple braquage à un meurtre. Je comprends la réticence de mon père à l'annonce de son nom mais je ne voyais pas d'intérêts à lui cacher ça.

De mon côté je me concentre sur mes mains dont les ongles ont perdu leur vernis et sont considérablement poussés.

Je remarque que pendant que je planais, j'ai tout de même pris le temps de les limer.

Ils sont longs mais égaux et bien taillés comme je le fais d'habitude.

Je trouve le fonctionnement du cerveau fascinant.

Je n'ai aucun souvenir, j'étais sous drogue à longueur de journée mais, je me suis lavée et j'ai taillé mes ongles.

Je me suis aussi décoloré les cheveux mais j'évite de trop y penser. Quand j'étais enfant, je voulais être blonde, faut croire que j'ai cédé à une sorte de pulsion motivée par l'alcool ou la drogue.

Maintenant que c'est fait, je songe sérieusement à les teindre à nouveau pour leur rendre leur couleur naturelle.

Au bout d'un temps que je trouve interminable, Georges relève à nouveau la tête vers moi.

–Le plus important c'est que tu aille bien.

–Je vais bien. Lui affirmais-je.

–Et, pour les hématomes sur tes cuisses?

Je me doutais qu'il s'en rendrait compte tôt où tard.

Je suis rentrée avec le short de sport que m'a donné Joseph.

Même si l'état de mes hématomes ne me préoccupait pas jusque là, je me souviens que mon père ne les a jamais vus avant hier et que pour lui c'est anormal.

Personne ne m'a frappé ni maltraité, l'alcool et la drogue en permanence présente dans mon organisme ont détérioré mon sens de l'équilibre.

J'ai beau me souvenir que de très peu de choses, je sais que je ne tenais pas debout.

Je ressens encore la sensation de marcher sur un nuage vaporeux chaque fois que je me tenais sur mes deux jambes. J'entrais constamment en collision avec les murs et les meubles qui se trouvaient sur mon chemin.

–Je les ai fait moi même, je te jure que personne ne m'a touchée. Précisais-je en sachant qu'il est capable d'entamer des procédures judiciaires pour si peu. Après un moment de réflexion, il hoche la tête, semblant se contenter de cette explication.

Nous n'évoquons pas le sujet initial.

Ni lui ni moi ne prononçant le nom de mon père biologique. Nous restons assis un moment autour de la table sans nous parler.

On nous sert du thé et nous le buvons dans un silence rassurant.

My dear husband (My dear intern T.2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant