Acte II

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28 juin 2024


Scène 1
Matignon
Antichambre du premier ministre


-  Gaby ? lança une voix timide depuis la porte.
-  Tiens. Jordan... Prêt pour le show de ce soir ?
-  Gabriel, qu'est-ce que tu fais ?
-  Je médite, dit alors l'homme en prenant une gorgée de son verre, les yeux flirtants avec le vide.
-  Ca ne te ressemble pas.
-  J'ai pas une gueule de bouddha, alors ?
-  Si c'était de l'eau, peut-être, fit l'homme brun dans un mouvement de menton.
-  Pff. Ca ou autre chose.

L'homme brun s'approcha de son homologue et lui prit le verre des mains avant de le sentir.

-  Hey ! Rends-moi ça !
-  Putain Gaby on passe à l'antenne dans deux heures !
-  Et ?
-  Et ? C'est de la vodka, bordel.
-  Bordel ? pfff, pouffa l'homme politique. Ça sonne comme bordella si on y regarde de plus prêt. Un beau bordel, ouais.
-  Je dois le prendre comment ?
-  Prend-le bien comme tu veux.
-  Ah. C'est pas moi qui l'ai dit.
-  Pfff... T'arrêtes jamais, hein ? Depuis combien de temp tu fais ça, Jordan...
-  Faire quoi ?
-  Me draguer aussi effrontément.
-  Abuse pas.
-  J'abuse pas. T'as toujours été un séducteur. C'est ton fonds de commerce mais là... c'est différent. On dirait que tu en rajoutes. Et c'est ce que tu fais n'est-ce pas ?
-  Je reconnais que les évènements de ces dernières semaines m'ont rendu quelque peu plus réceptifs à nos échanges mais cela ne va pas plus loin.
-  Tu es bien sûr de ça ?
-  Ecoute je comprends que tu puisses être perturbé par tout ça mais ça ne durera pas.
-  Je ne suis pas perturbé, Jordan. Je suis lassé. C'était drôle au début je l'admets. Et assez inattendu nous concernant. Mais à force, il y a des moments où j'en viens à me demander ce qui est réel et ce qui ne l'est pas. Et je n'aime pas ça. Je n'aime pas ne pas être aux commandes de ma vie.
-  Et tu fais de la politique ?

L'homme ne dit rien, se contentant de rouler légèrement des yeux.

-  Ecoute. On voit passer des édits de nous toute la journée c'est normal d'être mis à mal par tout ça.
-  Mis à mal ? Parce que t'es mis à mal toi ? Enfin je veux dire... à la rigueur t'es peut-être un peu plus tolérant mais, mis à mal ? T'es complétement galvanisé, oui. La fierté du mâle dans toute sa splendeur.
-  Ça n'a absolument rien à voir.
-  Moi, je suis mis à mal, Jordan. Moi je suis perturbé. Perturbé par l'engouement de gens qui m'ont traité de pédale toute ma vie. Perturbé de ne pas savoir si j'en suis la risée ou le personnage principal. Toi t'es quoi dans le pire des cas... comment c'est qu'ils disent..."cuuuuute"? Moi dans le pire des cas je reste gay.

Le ministre avait ri. Un rire sans joie. Presque triste.

-  Et sinon ? Que me vaut ta visite ?
-  Tu ne réponds pas quand on t'appelle.
-  Et tu te déplaces ? Je suis touché. Tu as fait en sorte qu'on te voit ou c'était purement professionnel ?
-  Gaby...
-  Ecoute Jordan, tout va très bien, d'accord ? Si j'avais dû m'effondrer à chaque houle et à chaque verre ca fait longtemps que j'aurai changé de métier. Ou de vie, tiens, pouffa-t-il en reprenant le dit objet des mains du plus jeune. N'ai aucune inquiétude, je serais bien présent ce soir, prêt à te faire mordre tes dents.
-  Mordre mes dents ? C'est français ça ?
-  Plus que ton arbre généalogique en tout cas
-  ... Ou que le tien ?

Les deux hommes s'étaient figés, observés un temps, puis souris. L'absurdité de tout ça était palpable. A tous les niveaux. Légèrement gêné, le plus jeune remua légèrement les épaules comme pour reprendre contenance.

-  Ma voiture m'attend. Essaye de pas être en retard ?
-  J'ai pas de leçon à recevoir d'un gosse.
-  Et si tu le prenais juste pour un conseil amical, ça te semble réalisable ?

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