Partie II - ACTE II

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Scène 1
Palais de l'Elysée
Bureau du président de la république

-   Tu vas faire la tête encore longtemps ? Ce n'est pas digne de toi.
-   Vous m'avez remballé devant l'intégralité de mes ministres et de l'exécutif, monsieur le président. Vous vous attendiez à ce que je le vive comment ?!
-   La situation du gouvernement se dégrade et tu dois faire en sorte que le parlement nous suive, Gaby. Nous ne pouvons pas nous contenter d'une cohabitation.
-   Pourquoi avoir dissolu dans ce cas-là ? C'était le risque non ?
-   Tu ne l'avales vraiment pas. Pourtant je t'ai expliqué mes raisons.
-   Et je les ais entendues.

Le premier ministre s'était avachi sur un des sofas que comptait le bureau du président sans même y prêter attention. La réunion qui s'était tenue plus tôt dans le salon vert de l'Elysée, l'avait épuisé et fortement crispé. Le président Macron, de retour des Etats unis, l'avait pris en cours sans une excuse et avait commencé à fustiger chacun des membres présents.

De Elisabeth Borgne à Gérard Darmanin, en passant par Stéphane Séjourné lui-même, le chef de l'état n'avait pas mâché ses mots pour montrer sa déception, s'en prenant particulièrement à Gabriel qu'il jugea responsable du carnage actuel. La situation s'était en effet complexifiée ces derniers jours. Et pour la première fois, le président semblait ne rien gérer, reportant la faute sur chacun de ses ministres. L'Assemblée nationale peinait à se remettre des élections législatives. Et à cette heure plus rien ne tenait. Ou peut-être juste l'appréhension des heures, posées dans les mains de celui qui devait en assurer l'intendance jusqu'au bout. Et seul.

-    La situation exige tu prennes les choses en main rapidement, Gabriel ! Que tu montres de quoi tu es capable ! On ne peut plus tergiverser. Notre regroupement doit tenir coûte que coûte ! Qu'as-tu proposé en ce sens ?
-   Ce qui est possible compte tenu de la situation ! Vous savez comme moi qu'il est hors de question que je pactise avec la LFI. En comparaison, le RN est un jardin d'enfant ! s'était aussitôt énervé le ministre.
-  Mais tu te dois d'assurer ton futur titre de président du parti, Gaby !
-   Je suis encore le premier ministre. Et je compte bien aller au bout de ma mission ! Je refuse catégoriquement d'être associé à ce qui est sur le point de se produire. Hors de question !

L'homme s'était relevé prestement, tentant de desserrer le nœud de sa cravate qui le faisait étouffer.

-   Ton seul rôle est de faire en sorte que notre parti gagne. C'est pourtant simple !
-   Simple ? Nous avons perdu ces élections. Et le front populaire ne nous laissera pas l'oublier.
-   Bien sûr qu'ils le feront. Et comme il se doit.

Gabriel s'était raidit légèrement, ses yeux jonglant dans le vide, la mâchoire serrée. Ces derniers jours lui avaient tout fait remettre en question et il commençait à fatiguer. Et à désespérer. D'abord il y avait eu Jordan et l'illusion d'un fondement. Maintenant le président le poussait à être le politique qu'il avait toujours refusé d'être. Un menteur puis un déserteur. 
Si on devait comparer le dédale de sa vie, tout était une question de vide. Pas de travail ou de responsabilités, loin sans faut. Mais un vide de sens.

-   Je sais ce que je vous dois, monsieur le président. Mais tout ça va trop loin. Vos méthodes ne me plaisent pas. Et elles ne me ressemblent pas.

Le chef de l'état s'était figé légèrement, son regard détaillant le vide. Il tenait une tasse de café qu'il se mit à remuer inconsciemment bien qu'il n'y ait aucun sucre. Une malaxation de ses propres pensées.

-    Tu manques de hargne, Gabriel, dit-il enfin. Tu as besoin de te forger une armure un peu plus solide que celle que tu traines actuellement. Être un président de parti demande bien plus de poigne que ce dont tu as l'habitude.
-   Ce dont j'ai l'habitude ? Vous voulez dire tenir un gouvernement ? Diriger un pays ? Et réparer des erreurs que je n'ai pas commise ?
-   Je n'aime pas le ton que vous employez pour vous adresser à moi, monsieur Attal. Je vous saurais donc gré de le faire redescendre sans attendre.

#ELECTIONS_SOUS_EDITSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant