PARTIE VI - ♠ ENTRACTE ♠

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La colère. Centre absolu des ressentiments amers et des injustices où l'on se consume. Des appels d'airs transperçant. Et des vides engorgées. Engorgement de cris. De peurs. De folie. Et de douleurs muettes, autocensurées.

Il existe différents niveaux de colère en psychologie. Allant de la simple contrariété à la rage, quand elle n'est pas viciée par le mépris. Et combien de compréhension à devoir la comprendre et la reconnaitre, pour savoir quoi en faire et comment l'apaiser. Et ne pas y succomber.

La colère que Gabriel avait ressenti, après avoir été informé de la coalition faite contre lui, l'avait noyé de doute et chargé de colères multiples. Si bien que tout l'avait fait s'enflammer au moindre effleurement les jours suivants.

Son discours au lendemain de la révélation de Marine, le mercredi de la censure, s'était voulu sec en hémicycle. Et un peu brutal. Parce qu'il aurait eu tellement de chose à leur dire à eux tous. "Tant à dire". "Tant à dire." A propos de tout. "Tant à dire". Tant à crier.
Le ton était monté. La colère aussi. L'extrême de Jordan. Face à celui de Juan. Et toujours les même qui "paie les pots cassés" Parce que "tout cela n'était que du vent", finalement. Parce que même si vous accordez votre confiance, il suffit de "chasser le naturel" pour qu'il revienne au galop. "Au chaos" Et tellement de tristesse froide à contenir dans un regard figé. Et dont il avait dû retenir les lames, alors que sa gorge lui avait fait mal et que sa cravate l'avait fait se sentir étouffer. Et tout, tout dans son discours avait tremblé.

"Oui les député lepénistes mentent! Ils mentent !" Quand ils font croire aux Français que c'est pour les défendre eux !"
"Oui les députés lepénistes mentent! Quand ils font croire que le chaos qu'ils sèment ne seraient pas de leur faute!"

"Au fond vous le sentez déjà, vous le sentez déjà que pour vous faire du bien vous faites du mal... (...) Mais vous ne pouvez pas vous en empêcher... c'est plus fort que vous... c'est votre nature! ...(...) Alors vous cherchez à rejeter sur d'autre la responsabilité que vous prenez, seuls!"

"La politique c'est prendre des décisions et c'est les assumer..."
"Alors mesdames et messieurs les députés lepénistes assumez votre décision ! "Assumer votre irresponsabilisé". "Assumez". "Assumez". "Assumez".

La stabilité avait été le mot d'ordre suivant de son emportement. Stabilité et valeurs morales. Autant dire que la réponse un peu abrupte de Jordan après ça, avait suffit à le rendre fou. Au point de le faire exploser. Colère froide. Noire. Assourdissante. Colère de l'instant. Et du châtiment.

" - Me la ramener ?! Il est sérieux !

" - Pourquoi ca te secoues comme ca? Tu en as l'habitude non ? Il est où le problème ?"

" - On a raté un épisode?"

Oui. Gabriel en avait voulu d'abord à Jordan. Parce qu'il l'aimait. Et parce que c'était tellement plus simple de lui en vouloir à lui, finalement. A Marine. A Tanguy. Au rassemblement nationale. Toute la colère du monde dans un discours au parlement.
Ca avait été injuste, pourtant. Pour lui. Pour eux. Mais ca avait été sa colère du moment. Celle du déploiement.

La colère vive de Gabriel s'était donc déplacée vers Jordan. Par son seul besoin de s'en libérer. Parce qu'il lui avait menti aussi. Parce qu'il l'avait abandonné aussi. Parce qu'il était comme tous les autres, finalement.

C'était une colère extérieure. Et immature. Incalculée. Irréfléchie. De celle qui tombe, juste. Comme une forme de thérapie. Battre le froid. Sans réaliser la portée. Au risque le plus souvent de se tromper. Et de blesser l'autre. Colère du regret.

Conceptualiser sa colère pour Stéphane avait été plus compliqué. Parce qu'il avait mis plusieurs jour à intégrer l'idée qu'il ait pu le trahir.
Cet homme qu'il avait aimé d'un regard, à qui il avait donné sept ans de sa vie, qui lui avait tant donné et tant appris. Qui lui avait dit oui, à la face des siens et de leur monde. Son grand amour.
Colère du remord, colère du déni et du mépris aussi.

" Je te protègerais. Toujours"

Son seul réconfort avait été de ne pas réagir sur le moment. D'ignorer. De se protéger des intempéries susceptibles de le détruire; limitant les accès à des rassurances intérieures. Colère faussée. Qui avait pourtant fini par emboutir toutes formes de pensées. Mode passif-agressif activé.
Gabriel se contentait donc d'être là, quand lui et Stéphane devaient se voir. Mais sans y mettre rien de concret. Ni d'animé. Absence de goût. Et de volonté.

Son discours d'investiture avait d'ailleurs un peu débordé à cause de ça. Comme s'il avait pu rechercher du plaisir à mettre en scène tant de débordement d'affection. Colère de l'émotion.
Gabriel avait surjoué. Et s'y était abîmé. Seul.

Parce que la colère déguisée ne dit rien. Elle se maquille à renforts de non-dits ou de semblants de mots posés. Elle trépigne. Voulant se faire imperturbable. Et finit souvent par retomber sur ceux qui sont à sa portée.
Stéphane et Juan étaient de ces colères là. De celles qui ne disent rien mais se racontent. Et qui débordent ailleurs, et engloutissent tout. Détruisent, inventent et fragilisent après coup. Celles que l'on avorte. Et que l'on fait porter aux autres.

On dit que la colère intérieure est la plus commune. Faites de frustrations et de rancœurs, qui vous grignotent à feu doux. Elle s'implante, sans un bruit. Se mute, se paralyse et contamine tout. Personne pour la comprendre. Personne pour la jauger. Elle s'abat, s'installe, compose. En secret. Et si jamais un jour elle crie, c'est son monde entier qui explose et part en fumée. La colère de Jordan aurait pu s'épeler ainsi.

"Je crois que nous devrions rester amis"

Parce que Jordan n'avait rien dit. Et il avait tout gardé pour lui. Il s'en était d'abord voulu, à lui même. Parce qu'il aimait Gabriel. Et qu'il lui avait refusé l'accès à sa vie. Cet accès qu'il avait espéré pendant des semaines et que le bon sens lui avait repris.
Le jeune brun en avait voulu aussi à Marine, un temps. Tout à sa plainte et son écœurement. Son doute. Un ressentiment qu'il avait promené dans les couloirs de ses obscurités intérieures et de ses silences sans lutte. De cette politique "difficile" qui lui coutait sa vie privée. Et qui l'avait incontestablement "fait grandir trop vite" même s'il ne s'en "plaignait" jamais.
Jordan avait perdu son étincelle, qu'il n'allumait que pour les temps d'écran et de paroles. Mais rien ne brillait plus hors champs.

"C'est toi que je veux, Jordan"

Jordan avait voulu y croire. Secrètement. Le temps de se porter. Se porter à la hauteur de tout ce que Gabriel lui avait promis dans cette chambre d'hôtel. Un "nous" de plus. De trop peut-être bien. Jusqu'à l'effarement d'un restons amis, qui en avait acté l'écroulement.
Et tellement de douleur, d'incompréhension, de ressentiment. Puis de constat soudain et fade.

"J'accepterais ton choix".

Sa colère s'était finalement explosée au sol comme un verre. Colère noyée. Jeté suivant.

Et puis... comme souvent, qu'il s'agisse d'heures ou de jours, d'années ou de simple seconde de l'instant, la colère finit par plier sur elle-même. Et retomber.
Le chagrin prend le pli. Et le besoin d'une rédemption, ou d'un oubli ultime, suit.

Gabriel et Jordan avait tombé le pli de leur tumulte intérieur, chacun à leur manière. Et ils s'y étaient blessés eux-mêmes, avec le seul bonheur de l'autre, pour alibi.

Alors que tapis dans l'ombre, dans le bourdonnement d'une rumeur nouvelle, un nouveau personnage venait de s'inviter à la lumière des jeux de renommé...
Un de ceux qui avait appris depuis longtemps comment miser, à la force du temps et des vérités...

Comme si de nouvelles élections, sous hashtag, venaient de prendre formes, du "Crépuscule" d'un rêve à l' "Aurore" d'une réalité...


"Un jour, un jour mon rêve se réalisera..."
(Film Collatéral)



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A très vite ☺

#ELECTIONS_SOUS_EDITSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant