PARTIE II - ACTE VI

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Scène 1
Parking/Voiture
Groupe Rassemblement National


-   Jordan ? T'es avec nous ?

Le plus jeune eut un moment de papillonnage.

-    B-Bien sûr. Et il est clair que cette polémique est loin d'être finie, même si beaucoup commence à la relativiser.
-   Tu m'expliques comment on peut relativiser un truc pareil ?
-   En restant neutre, s'exprima Marine. Nous ne devons absolument pas nous en mêler. Le moindre faux pas sur ce sujet et on repart dix ans en arrière. Je veux aucun tolet, c'est clair ?
-   Mais si on nous demande de nous exprimer ? On va pas rester là sans rien dire quand même ?
-   Je sais ton franc parler, Jean-Philippe. Mais là, ça pourrait prendre des proportions trop grandes. Il faut attendre. Je veux que plusieurs discours soient déjà préparés au besoin. En tenant compte de chaque éventualité à venir. Il ne faut rien laisser au hasard. D'autant que le monde entier nous regarde. Le rendez-vous  est à quel heure ?
-   18h45.
-   D'accord, on vous y rejoint là-bas. Jordan, on y va ?
-   Hm.

La reprise avait été difficile. A tous les niveaux.

Quand on reste des années, à travailler en boucle, sans jamais prendre le temps de se poser vraiment, on ne réalise plus à quoi peut ressembler l'adaptation du quotidien. On l'oublie vite vraisemblablement. C'est comme se réveiller avant le réveil, oublier de penser à avoir faim ou manger à une heure précise. L'automatisme est là, ancré et il s'autosuffit. Mais un seul rouage dans la machine et s'est fini.
Jordan payait sa nuit trop courte et ces dernières soixante-douze heures instables. Il subissait le contre coup des émotions actuelles. Les siennes d'abord et celles du pays.

La cérémonie d'ouverture des jeux olympiques venait de laisser des traces. Beaucoup de belles choses mais aussi d'incompréhension. Le rassemblement qui se voulait conservateur était face à un dilemme d'envergure, par suite de la captation d'une scène que beaucoup jugeait blasphématoire, là où d'autre n'y voyait qu'une culture pop, sur thème mythologique, à la façon d'un Andy Warhol débridé.

Cette dichotomie nécessitait de faire les choses avec ordre et vigilance. Et même si pour l'instant le rassemblement de Marine n'avait donné aucun avis sur le sujet, il savait que la question finirait par tomber et qu'il devrait prendre une position.

- Tu as eu des nouvelles de Gabriel ? demanda Marine, au volant, alors que les deux représentants du parti roulaient en direction de leur lieu de rendez-vous.

Jordan fut pris de court par la question, pourtant simple. Et il lui sembla que ses oreilles avaient chauffés légèrement.

-    Pas depuis hier.
-   J'ai cru comprendre que le président l'a mis au repos forcé. Il ne l'a inclus dans aucun événement à venir apparemment.
-   J'en ai entendu parler, effectivement.
-   C'est peut-être pas plus mal. L'incident au moment de son discours est dans tous les esprits. Autant que Gabriel n'y soit pas associé. Se faire huer par son propre peuple et devant le monde entier... Emmanuel a les épaules larges, faut bien le reconnaitre.
-   C'est vrai. 

L'homme avait laissé son regard glisser sur les immeubles que la voiture dépassait à un rythme plutôt raisonnable. Il était 18h00. La journée avait été particulièrement interminable.

-   Ça t'a plus ? demanda Marine, rompant le calme. Le Hussard ?
-   En mode Assassin's Creed ? Mortel. Même si l'idée d'un assassin en déplacement dans Paris prête à questionnement, dit-il frondeur.
-   Pour moi, ce personnage est la représentation parfaite de la résistance, continua la députée. J'adorerait qu'il nous représente dans un jeu vidéo. A moins d'en faire notre mascotte ? plaisanta-t-elle.
-   
Ça aurait de la gueule, admis Jordan en acquiesçant. Jusqu'à ce qu'on nous prête les mêmes intentions que celles du personnages ?

#ELECTIONS_SOUS_EDITSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant