Requiem [Dark Romance] | SPIN-OFF CRESCENDO

Chapitre trente-sept

EDEN

C'est un violent mal de crâne qui m'oblige à ouvrir les yeux.

Tout demeure noir autour de moi, quelque chose contrecarre ma vue.

Je grimace de douleur, mais un chiffon fourré entre mes dents étouffe ma complainte de souffrance. Un épais morceau de scotch entrave mes lèvres tandis que ma respiration s'accélère en comprenant qu'un sac en toile de jute est serré autour de ma tête. C'est à peine si je parviens à trouver de l'air.

"Calme-toi, Eden."

La panique me prend aux tripes, les souvenirs de Kélanie affluent en masse dans mon esprit. C'est toujours ce qu'elle faisait avant de me plonger la tête dans un seau jusqu'à l'évanouissement.

"Kenny est morte, elle ne te touchera plus. Tu dois te contrôler."

Tu es un monstre, Black ! Je refuse de t'écouter, retourne dans ton putain de placard à balai !

J'essaye de libérer mes mains. De la corde épaisse lie mes mains dans mon dos, tout comme mes chevilles. Je n'ai pour repère que le sol sur lequel je suis assise. Je crois reconnaître la texture d'un tronc d'arbre contre mes omoplates, mais je n'en suis pas certaine.

Mon corps est si endolori que le fait de me tortiller dans tous les sens me fait horriblement souffrir.

Un souffle féminin saccadé me parvient aux oreilles malgré le bourdonnement de stress incessant que subissent mes tympans.

Mon sang ne fait qu'un tour en comprenant qu'il s'agit d'Isée. Elle doit être approximativement à un ou deux mètres de moi. Cette pourriture a réussi à la retrouver avant Luca ! Je n'entends cependant pas les pleurs du bébé. Une angoisse palpable me prend aux tripes tandis que toutes sortes de scénarios me passent par la tête, tous aussi horribles les uns que les autres.

— Tu es enfin réveillée, petite tête, claque la voix sombre de mon ancien meilleur ami.

Où est-il ? À gauche ? À droite ? Je ne vois rien, putain !

Concentrée sur Isée et sur son effroi, je ne parviens pas à déterminer sa position. Je peux sentir d'ici sa peur panique et ça me brise le cœur. Ça me dévaste et m'embrase d'une colère assourdissante. J'ignore jusqu'où Silas est susceptible d'aller et mon instinct me pousse à croire qu'il serait capable d'écraser un nouveau-né sans la moindre hésitation, tant que cela peut atteindre les Hell's Lake.

Tant que ça peut blesser Luca.

— C'est vraiment moche ce que tu as fait à frère. Je suis arrivé à temps pour ce magnifique spectacle. Tu as été tellement sauvage, bestiale, animale. J'en ai eu de sacrés frissons...

Le renvoi à cet acte ignoble, bien que cet homme ne soit plus mon frère, me provoque un nouveau haut-le-cœur. Le goût de sa chair est toujours ancré dans ma bouche pâteuse.

Je contracte mes mâchoires ankylosées sur ce maudit bout de tissu en enfonçant mes ongles dans la paume de mes mains. Inutile de se leurrer, si Silas m'a ainsi ficelée, c'est qu'il a compris que Black n'est pas - ou plus, pour ce que ça me fait - de son côté.

— Puis, j'ai pigé, continue-t-il, amer. Dès que tu as pleurniché sur le corps de Liam, j'ai su que Mira m'avait trahi pour tes beaux yeux. Je ne devrais pas être étonné, ce n'est pas comme si elle ne t'avait jamais protégée au fil des années. Je me rends compte aujourd'hui que tu es toujours passée avant moi. Elle m'a tenue à l'écart d'Ethan en me promettant que ce n'était qu'une idylle éphémère, elle m'a caché l'existence de cette petite hackeuse...