Chapitre quarante-trois

109 6 0
                                    


EDEN

Je dois fournir un effort démesuré pour retenir mes larmes.

Cet idiot de première a visiblement oublié mes capacités à feindre le sommeil. Ses mots s'imprègnent dans chaque pore de ma peau et s'enroulent autour de mon âme, je m'en délecte jusqu'à m'en faire frissonner. Luca sait parler, ses paroles peuvent aussi bien être aiguisées comme empreintes d'une tendresse incommensurable.

Je réprime un sourire, le nez plongé dans le cou de cet homme que j'aime.

Ses doigts dessinent des formes aléatoires sur mes bras alors qu'il caresse l'arrière de mon crâne de son autre main. Ses muscles se sont détendus, m'offrant une étreinte aussi douce que chaleureuse.

Je profite de son parfum masculin et, bercée par le rythme de ses respirations, je me sens à ma place.

Luca est comme un château de cartes. Il s'élève à chaque fois plus haut que le ciel, mais il suffit d'un seul souffle pour que ses fondations s'affaissent. Ce n'est pas pour autant qu'il s'effondre, non, loin de là. Il rebâtit tout de ses propres mains et consolide jusqu'à ce que ses cartes soient aussi solides que du béton armé.

"Comment est-ce que deux personnes peuvent autant s'aimer et passer leur temps à essayer de se démolir ? Ça me dépasse."

L'amour a toujours fait mal, Black. Quelque part, c'est peut-être ainsi que l'on se rend compte qu'il est réel, concret. Luca et moi ne savons pas aimer correctement.

"Alors apprenez à la faire."

Tu n'es pas censé le détester ?

"Je savais qu'il allait te blesser plus que n'importe qui d'autre..."

Oui. Luca m'a complètement détruite. Pourtant, à l'instar de son château de cartes, il est en train de me reconstruire maladroitement. À ses côtés, je me sens plus forte que jamais.

Les gestes de Luca se mettent en suspens.

J'ouvre un œil, puis le second - plus difficilement au vu du coquard qui s'y est logé. La vision d'un ange assoupi me coupe le souffle.

Luca est magnifique. Ainsi abandonné au sommeil et solidement accroché à mes bras, nos jambes se sont également mêlées afin de cadenasser nos corps. Ses cheveux châtains sont en bataille et ses cernes un peu plus marqués. Pourtant, il semble apaisé.

Je grimace de douleur en bougeant légèrement, ce qui l'oblige à se coller d'autant plus à moi, comme s'il craignait inconsciemment que je prenne la fuite dans son dos.

Comment le pourrai-je ? Je ne suis pas certaine de pouvoir vivre sans lui.

"Luca a quand même essayé de te buter. Il a d'ailleurs réussi."

C'est toi qu'il visait.

"Balle perdue pour Black ! Bon, d'accord, je l'ai sûrement mérité."

Tu l'as clairement mérité.

Je caresse la joue de Luca, laissant mes doigts s'égarer sur la barbe de quelques jours. Son visage bouge imperceptiblement, venant se caler dans la paume de ma main. Un sourire tendre étire mes lèvres douloureuses.

— Ce soleil dont tu parles existe uniquement car la nuit me terrifie, lui confié-je dans un murmure. C'est à ce moment précis que mes fantômes ressurgissent pour venir me hanter. C'est effrayant.

Je laisse un frisson me dévaler la colonne vertébrale afin de prendre une grande bouffée d'air, celle-là même qu'il respire.

— Tu sais ce qui est étrange ? C'est également lorsque la nuit est la plus sombre que mon âme trouve un semblant de paix... dans ces abîmes qui m'engloutissent inlassablement, je m'agrippe à toi comme à une bouée de sauvetage. Depuis toutes ces années, ce sont tes yeux qui m'indiquent le chemin à travers l'épais brouillard qu'est mon esprit. C'est toi qui, sans même le vouloir, m'a protégée de moi-même.

Requiem [Dark Romance] | SPIN-OFF CRESCENDOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant