Chapitre cinquante

86 6 2
                                    


EDEN


La délicate chaleur du soleil réchauffe ma joue comme une caresse affectueuse.

Je papillonne des cils, laissant mes yeux s'ouvrir sur une vision d'abord trouble. Je mets quelques secondes à m'habituer à la luminosité de la pièce, jusqu'à ce qu'une silhouette vienne s'interposer entre la fenêtre et moi.

Penché sur mon échine, l'homme dont je ne visualise pas encore le visage promène ses doigts fins sur ma pommette, d'où il recueille l'une de mes larmes.

Pourquoi est-ce que je pleure ?

Je me sens vaseuse, presque comme dans un état second. Le fond sonore que je commence à distinguer me rappelle vaguement les machines reliées à un patient.

Je suis à l'hôpital ? Pourquoi ? Une gêne sur mon bras m'incite à me débarrasser de cette chose qui me rentre dans la peau, mais quelqu'un m'en empêche.

— Tout va bien, évite les gestes brusques...

Cette voix.

Mes yeux s'écarquillent tandis que mes souvenirs se superposent. Je rive mon attention sur le petit grain de beauté sous sa lèvre.

C'est impossible...

Mon cœur réagit au quart de tour, allant jusqu'à faire s'affoler le bip incessant des machines auxquelles je suis reliée.

J'avise ses cheveux blonds, dévie sur la grande cicatrice qui balafre sa joue, puis revient sur ses prunelles d'un marron si foncé que je me suis souvent demandé si elles n'étaient pas noires.

Les fantômes n'existent pas ! Alors...

Pourquoi est-ce que, quand il me serre doucement la main, je sens la chaleur de son toucher ?

Pourquoi est-ce que, lorsque je me redresse d'un coup, son souffle vient s'abattre sur mon visage ?

Prise d'un vertige, ma tête se met à tourner dans tous les sens, me contraignant à me rallonger sur le lit. Mes lèvres asséchées s'entrouvrent, mais ce n'est qu'un murmure rauque à peine audible qui parvient à ses oreilles :

— Ethan...

— Je suis là, m'assure-t-il en déposant un baiser sur mon front.

Un geignement douloureux s'extirpe de ma gorge. Les derniers évènements se succèdent dans mon esprit, j'essaye d'assembler les pièces du puzzle, de comprendre ce qu'il se passe. Piégée entre ce qui doit être un rêve et ce qui s'avère être mon pire cauchemar, j'ai l'impression de suffoquer.

Ma tête se secoue négativement à plusieurs, refusant d'admettre ce qui est pourtant sous mes yeux. Non. Il n'est pas réel, je dois avoir le contrecoup de la chambre blanche avec Dan.

Je recule jusqu'à la tête de lit, repliant mes jambes contre ma poitrine dans un instinct de protection. Ma paume tremblante se lève vivement entre nous, incitant le fantôme d'Ethan à garder une distance de sécurité.

— Eden, m'appelle-t-il, inquiet.

— Pars...

— Je-

— LAISSE-MOI TRANQUILLE ! hurlé-je d'une intonation branlante.

Mon ventre barbouillé se contracte sous le voile de vulnérabilité qui vient ternir le regard d'Ethan. Une bile acide brûle mon œsophage sans jamais parvenir à s'échapper tant mes lèvres restent scellées. Je frotte mes poignets sur mes genoux pour essayer de soulager l'épais brouillard mental qui me submerge.

Requiem [Dark Romance] | SPIN-OFF CRESCENDOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant