Gabin
Je me suis réveillé tôt ce matin, après une nouvelle nuit mouvementée. Dans la famille, nous avons toujours eu un sommeil difficile et dans les périodes compliquées comme celle-ci, c'est pire. Une ou deux heures de sommeil est un exploit.
Je me suis assis au piano presque machinalement. C'est une vieille habitude, presque un rituel matinal. Le son des touches sous mes doigts me donne une illusion de contrôle, comme si le monde autour pouvait se réordonner à mesure que les notes s'enchaînent.
Le salon est vaste, chaque note résonne avec une douceur presque apaisante. Coco se glisse contre mes jambes. Je joue, et mes pensées dérivent vers Oli. Ma sœur n'a jamais été douée pour ça. Je souris en me souvenant des heures passées à essayer de lui apprendre quelques accords, ses doigts maladroits qui rataient systématiquement les bonnes touches. Ça la faisait toujours rire – moi aussi. Oli a toujours su comment rendre les choses plus simples, plus légères. Un contraste brutal avec tout ce qui pèse constamment sur nos épaules.
Mais ce matin, même en jouant ces mélodies douces, il y a une ombre qui s'étire dans mon esprit. Toujours là, cette putain d'ombre. Les trucs que je dois régler, des décisions que je ne veux pas prendre, des responsabilités qui s'empilent sans cesse.
Fils d'un empire criminel... ça, on n'en parle jamais vraiment. Mais ça te colle à la peau, peu importe où tu vas, peu importe ce que tu fais.
Je joue plus fort, les doigts appuyant un peu plus sur les touches, comme si je pouvais chasser tout ça d'un seul coup. Mais ce n'est pas si simple. Ça reste là, dans un coin de ma tête, ça se nourrit de chaque silence entre les notes.
Coco saute doucement sur le canapé à côté de moi et se roule en boule, indifférente à mes tourments. C'est ça que j'aimerais être, parfois. Juste là, sans me poser de questions, à profiter de la chaleur du soleil, sans me soucier du reste. Mais ce n'est pas moi.
Ma tranquillité est brisée par la sonnette de l'appartement qui résonne dans tout le salon. Coco – visiblement aussi agacée que moi par cette intrusion – bondit du canapé et file se réfugier dans ma chambre. Je reste assis quelques secondes, les mains suspendues au-dessus du clavier.
Mes sourcils se froncent presque instinctivement. Je n'attends personne. Même si mes potes ont pris l'habitude de débarquer à l'improviste, j'ai toujours un sixième sens pour deviner leur arrivée. C'est comme une vibration dans l'air ou un bruit particulier dans l'immeuble que je capte. Mais là, rien. Silence total.
Je me lève en soupirant, traversant le grand couloir en direction de la porte d'entrée. Je m'arrête juste devant, l'oreille tendue, puis jette un coup d'œil à travers le judas.
Un léger soulagement détend mes épaules en reconnaissant la silhouette.
Je déverrouille et ouvre la porte. Marco entre sans un mot et me salue brièvement, avant de refermer derrière lui. Mon frère se débarrasse de sa veste et, sans ménagement, me tend une pile de lettres qu'il a dû récupérer à l'accueil avant de monter. Je le remercie d'un simple signe de tête, l'observant en silence tandis qu'il se dirige vers le salon, déjà absorbé par son portable.
Tout ça, c'est bizarre. Très bizarre. Marco ne vient jamais chez moi sans prévenir. En fait, il passe rarement chez moi tout court. C'est plus le genre d'Oli, qui – avec son double des clés – se croit autorisée à faire des visites surprise à n'importe quelle heure. Mais Marco, lui, c'est différent. Sa venue annonce généralement quelque chose.
Je le rejoins dans le salon, le voyant pianoter frénétiquement sur son téléphone comme s'il était dans son propre appartement. Un silence plane dans l'air, et ça commence à me gonfler.
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Coupable
RomanceTome 2 de "Condamnation" Olivia Medina Rosales, princesse de l'Ordre - une organisation criminelle redoutée - est réputée pour sa beauté glaciale et son esprit impitoyable. Dirigeant d'une main de fer le secteur opérationnel de l'organisation, elle...