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Mattéo

    Olivia :
Est-ce que tu dors ?

    Je lève à peine les yeux de mon téléphone pour balayer du regard le salon. La télévision murmure en arrière-plan, tandis que mon verre de Barolo, à moitié vide, trône sur la table basse. Dehors, la nuit est noire, et le calme règne dans la maison. Il doit être bien après 23 heures. En temps normal, je réponds sans hésiter quand Marco me pose ce genre de question, mais là, j'ai un petit moment d'hésitation. Finalement...

    Mattéo :
Non.
Besoin de quelque chose ?

    Quelques secondes passent avant que la réponse d'Oli n'arrive. Mon cœur bat soudainement plus vite, sans raison apparente. Est-ce que c'est le vin qui me joue des tours ?

    Olivia :
Je suis encore en train d'éplucher les dossiers de Renard et Cobra sur les employés de BioHorizons.
Tu as trente minutes pour me rejoindre.
Je déteste le retard.

    Charmante, comme d'habitude. Je soupire en vidant mes poumons et me lève du canapé à moitié affaissé. Un des pieds est rafistolé avec du scotch, un autre est calé avec un vieux bouquin. Franchement, je suis surpris qu'il tienne encore debout. J'éteins la télé, passe en coup de vent par la cuisine pour attraper mes affaires, puis m'éloigne dans le couloir.

    À peine ai-je le temps d'atteindre ma chambre que la porte en face s'ouvre à la volée. Je me retrouve face à une ado de 14 ans, ses longs cheveux noirs, tout aussi sombres que les miens, noués en deux nattes peu soignées. La fatigue pèse sur ses traits et ses yeux clairs me sondent. Elle porte son pyjama rose préféré, et je croise les bras.

    - Qu'est-ce que tu fabriques encore debout, toi ?

    Elle m'imite, essayant de se donner un air intimidant, mais ça ne marche pas vraiment.

    - Tu vas où ? T'as vu l'heure ?

    Mes sourcils se haussent, incrédule.

    - Dis-moi, jeune fille, grondais-je, qui est l'adulte ici ?
    - Tu ne m'as pas racheté ma réserve de bonbons.

    Je pousse un profond soupir et entre dans ma chambre pour récupérer mes clés de voiture et ma veste. Alice me suit comme une ombre, et je manque de lui rentrer dedans en me retournant. Je dois baisser la tête pour croiser son regard fatigué. Elle essaie de faire la dure, mais je vois bien l'inquiétude qui se cache derrière son masque. Je pose mes mains sur ses épaules pour la faire reculer doucement.

    - Je dois aller bosser. Ma patronne a besoin de moi.

    Elle soupire et ses épaules s'affaissent. Elle se détache de ma prise et fait demi-tour vers sa chambre. Mon cœur se serre.

    - Tu m'avais promis de m'emmener au café des chats pour le petit-déjeuner...

    C'est vrai. Et il est aussi vrai que chaque fois que je travaille le soir ou que je disparais en pleine nuit, Alice trouve un mot de ma part sur la table de la cuisine au réveil. Elle est adorable, elle ne se plaint jamais, mais je vois bien que ça commence à lui peser. Je n'en ai jamais parlé à Marco — ma vie privée, c'est privé — et aussi parce que je ne veux pas qu'il pense que je ne suis pas à la hauteur. J'ai besoin de ce boulot.

    - Et je le ferai, assurais-je en lui prenant la main

    Je l'attire doucement vers moi, m'accroupissant pour être à sa hauteur. Je repousse quelques mèches rebelles de son visage boudeur et la chatouille sur les côtes, ce qui fait apparaître un sourire sur ses lèvres. Son visage s'illumine, malgré le fait qu'elle déteste ses dents du bonheur. Cette gamine est magnifique, mais l'adolescence lui fait perdre confiance en elle.

CoupableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant