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Mattéo

    Je me pose de sérieuses questions sur ma santé mentale. Oui, je sais, « c'est un peu tard pour ça », merci bien. Mais quand même, là, on franchit un cap. Ça fait même pas une semaine que je travaille avec Oli et je sens déjà mon cerveau griller. Record battu. C'est comme si ma loyauté s'étripait avec mon côté protecteur, qui essaie désespérément de museler ma possessivité. Le tout pendant que mon instinct de survie s'étouffe dans un coin, en PLS.

    Parce qu'on va pas se mentir : Oli est dangereuse. Mais genre, dangereuse dangereuse. Tout le monde le sait. Son grand frère me le hurle à chaque occasion, son jumeau en fait des cauchemars, et même son meilleur ami – qui est pourtant un mec plutôt costaud – n'arrive pas à la contenir. L'Ordre entier tremble devant Olivia Medina Rosales, pour sa froideur implacable et son sens de la violence sanguinaire. C'est pas pour faire joli que sa mère l'a placée à la tête des opérations. Princesse de Glace, Reine des Ombres, Déesse de la vengeance : vous voyez le tableau.

    Elle ne doit jamais être prise à la légère. Sa démonstration de pouvoir cet après-midi me l'a encore rappelé. Quand la tête de ce type – avec un joli trou de balle en plein milieu – a atterri comme un boulet, je jure que l'air de la cave s'est transformé en hiver nucléaire. Comme si quelqu'un nous avait balancés dans une chambre froide, sauf que la seule source de chaleur venait de... devinez qui ? Cette femme, évidemment. Plus je passe de temps avec elle, plus je me retrouve à graviter autour d'elle, et plus je la comprends. Et là où ça devient un vrai problème, c'est que plus elle chauffe, plus je... bref. Vous voyez l'idée.

    C'est comme une force magnétique, irrésistible, et ça commence sérieusement à me poser problème. On bosse ensemble depuis quelques jours et elle hante déjà mes pensées. J'aurais jamais dû lui poser des questions sur sa vie privée. Ça a brisé cette petite barrière mentale que j'avais érigée – du style « reste à distance, mec ». Maintenant, tout ce que je veux, c'est l'entendre parler d'elle. Sérieusement, cette femme, c'est un phénomène naturel à elle toute seule.

    Elle a la vingtaine, probablement un cimetière sous ses talons, et même si elle me faisait flipper avant – et soyons honnêtes, elle me fait encore flipper un peu – je ne peux plus la voir juste comme une gosse violente et insensible. Et elle doit le sentir aussi, parce que la dynamique entre nous a changé. C'est subtil, mais c'est là. Et c'est déjà trop.

    Je fais tourner mon portable entre mes mains, les coudes appuyés sur mes cuisses. Je jette un œil à l'horloge. Presque 23 heures. Ça fait des minutes que j'attends comme un idiot sans entendre Oli bouger. Cette visite au Midnight Rose nous a filé une chance en or : après quelques mots bien placés avec les patrons du club – ils n'avaient vraiment pas envie de contredire Oli – on a eu une invitation pour le show spécial de ce soir. Un spectacle qui attire les habitués du club, et donc notre cible : Axel Stenberg. Le plan, c'est de le choper pendant la soirée, peu importe comment.

    Des pas se rapprochent et je lève la tête, juste à temps pour voir Lou-Enzo débarquer dans le salon, les yeux rivés sur son portable. Ce mec, franchement, je sais pas quoi en penser. Il a une gueule d'ange avec des épaules de déménageur, du genre à avoir fait tourner bien des têtes. Malgré ma méfiance, il semble facile à vivre – mais un truc me chiffonne. J'arrive pas à mettre le doigt dessus, mais je suis certain de connaître quelqu'un qui lui ressemble. Et plus je l'observe, plus ses cheveux châtains et ses yeux malicieux me rappellent quelqu'un. Mais qui ?

    - Les clients du Midnight Rose vont te prendre pour le proxénète d'Oli.

    Je lève les sourcils. Hein ? Lou-Enzo range son téléphone et me balance un sourire narquois. Je baisse les yeux sur ma tenue : pantalon droit, chemise ample noire, bijoux en argent. J'ai fait un effort sur mes cheveux – pour une fois – et je suis probablement en train de suffoquer sous l'odeur de ma propre eau de Cologne. Oli m'a dit de m'habiller chic, alors j'ai obéi.

CoupableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant