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Olivia

La grande salle vitrée de la villa résonne doucement du bruit de mes escarpins sur le sol en marbre. Mes pas légers contrastent avec l'ambiance presque théâtrale de l'endroit. Devant moi, cinq gars de la sécurité sont alignés comme des soldats en plein exercice. Ou plutôt comme des cibles humaines bien dociles. Chacun a une pomme posée quelque part : deux sur la tête, deux autres sur les épaules, et le dernier, celui au milieu – ah, le pauvre – en a une dans chaque main, bras tendus comme un crucifié.

On pourrait presque croire à une installation artistique contemporaine, si ce n'était pour le fait qu'ils ont tous l'air de se demander si c'est leur dernier jour sur Terre.

Je fais craquer mon cou, étirant mes bras avant de saisir mon arc. L'adrénaline commence déjà à couler dans mes veines. En général, c'est le meilleur moyen de me détendre. Je pourrais méditer – ou je ne sais quoi d'autre – mais franchement, y a rien de mieux que tirer des flèches sur des pommes tout en effrayant gentiment les gros bras de la sécurité. Chacun son style d'auto-soin.

Mais aujourd'hui, ce n'est pas vraiment la détente qui me motive. Non, aujourd'hui, c'est lui. Mattéo. Je sais même pas pourquoi je m'en fais autant. Peut-être que c'est juste l'irritation de me sentir – eurk – attirée par lui ?

Attirée au point d'avoir envie de le croquer, littéralement. C'est un signe d'affection, ok ? Un signe que je n'ai jamais envie de ressentir.

Mais bon sang, pourquoi lui ?

Je cale la première flèche contre la corde, vise le gars à l'extrême gauche. Il ferme les yeux un instant – je crois que ça le rassure, ce moment où il peut se dire que peut-être, tout ça n'est qu'un mauvais rêve. Et puis la flèche part. Fssshhht.

La pomme explose en mille morceaux, et j'entends un soupir collectif de soulagement. Ah, ces mecs. Ils savent bien que je ne rate jamais, mais ils flippent quand même à chaque fois. Allez savoir pourquoi. C'est pas comme si j'allais me planter un jour. Pas plus que je ne vais arrêter de penser à ce fichu mec, apparemment.

Je passe au suivant. Le type est un peu plus grand, donc je dois ajuster légèrement mon angle. Je sens une vague chaleur monter en moi. Pas à cause du tir, mais à cause du sourire de Mattéo qui me revient en tête. Et cette façon qu'il a de traîner autour de moi, comme s'il savait exactement comment me faire perdre mes moyens sans même essayer. 

Fssshhht. Deuxième pomme réduite à l'état de compote.

Je sens mes épaules se tendre malgré le succès évident de mon tir. C'est frustrant. Je n'arrive pas à me sortir cet idiot de la tête. Ce n'est pas normal. D'habitude, les mecs me courent après, je les laisse courir, fin de l'histoire. Mais lui, il ne fait même pas exprès. Il est juste... . Tout le temps : calme, posé, protecteur. Et moi, j'ai envie de le mordre. Le croquer tout entier. Et je sais ce que ça veut dire.

Je soupire, plus pour moi-même que pour eux. C'est absurde. Fssshhht. Troisième flèche, troisième pomme. Toujours parfaite, comme d'habitude. Le gars en face de moi ferme les yeux, probablement en train de remercier tous les dieux qu'il connaît.

Je réajuste mon arc et passe à la quatrième cible. Lui, il tremble un peu. Je lui fais un clin d'œil sarcastique. 

- Détends-toi, ça va bien se passer. Enfin pour toi, du moins.

Il laisse échapper un petit rire nerveux. Allez, encore un dernier effort, mec. Fssshhht. La flèche file droit, et voilà une autre pomme éclatée. Le gars ouvre un œil, comme pour vérifier que sa tête est encore sur ses épaules. Oui, bravo, tu es toujours vivant.

CoupableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant