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Olivia

Je dois vraiment me contenir pour ne pas éclater de rire. Déjà parce que je tiens à conserver un semblant de dignité, mais surtout parce que si je laisse échapper le moindre son, mon frère risque de me décapiter sur place. Marco fait les cent pas au bout de la table en se frottant frénétiquement le menton. Ses cheveux sont plus courts que la dernière fois qu'on s'est vus, et les cernes sous ses yeux me laissent penser que ses nuits doivent être aussi agitées que les miennes. La malédiction des Medina – toujours fidèle au poste.

La salle de réunion s'est vidée peu à peu, seuls quelques membres éminents traînent encore dans les couloirs. Je n'ai pas eu le temps d'échanger avec Grace, qui suivait déjà son nouveau patron. Elle me manque – je ne le dirais jamais en face – mais son absence me pèse plus que je ne l'aurais cru.

Heureusement, la présence – étonnamment apaisante – de Mattéo compense. Enfin, apaisante... C'est vite dit. Depuis cette soirée au Midnight, quelque chose a changé entre nous. Quelque chose de subtil, d'indéfinissable. Je n'arrive pas encore à cerner précisément ce que c'est, mais ça me trotte dans la tête. Mais pas le temps de trop y penser pour l'instant. Ce qui est sûr, c'est que l'idée saugrenue de mon frère de nous échanger nos Bras Droit ne me semble plus si désagréable qu'au début.

En fait, je pense que c'est Marco qui regrette l'échange plus que moi. Mes yeux se posent sur Van der Berg, qui est visiblement nerveux. Avec ses lunettes rondes et son crâne dégarnis, il semble absorbé par ses notes, suant à grosses gouttes. Sérieux, je me demande encore ce qu'il fait dans l'Ordre. Si je prenais le temps de creuser un peu, qui sait ce que je pourrais découvrir...

En tout cas, je doute que Marco avait prévu de se retrouver avec le Bras Droit des finances. Je parie qu'il espérait secrètement avoir Samir, le canon du secteur sécurité. Mais manque de chance, Émilie a dégainé la première. Et connaissant la dame, elle ne voulait probablement pas un Bras Droit, mais juste un beau gosse à ses côtés. Parce que soyons honnêtes, Samir et les finances, c'est un duo aussi improbable que moi et – euh – quelqu'un de gentil.

Je jette un coup d'œil à Mattéo, appuyé contre le mur, bras croisés, observant mon frère avec une concentration presque suspecte. Comme s'il sentait mon regard sur lui, il tourne lentement la tête vers moi. Nos regards se croisent, et je vois bien qu'il lutte pour ne pas rire en me voyant me mordre la joue pour garder mon calme. Ses lèvres tremblent légèrement, mais il détourne rapidement les yeux, tentant de garder son sérieux. De mon côté, je fais de même, reposant mon attention sur Marco qui continue de marmonner des insanités dans sa barbe de quelques jours.

- Je savais que Benítez allait nous la faire à l'envers ! râle-t-il en balançant un coup de pied dans une chaise qui manque de fracasser le mur. Ce type est vraiment un enfoiré !

Je toussote pour masquer un sourire, mais Mattéo me jette un coup d'œil sévère, une lueur réprobatrice dans ses yeux. Je lève les mains en signe d'innocence, comme si je pouvais me contrôler quand Marco s'énerve comme un enfant. Le voir dans cet état réveille mon côté petite sœur provocatrice, et c'est tout un défi de ne pas exploser de rire.

- Des années qu'on bosse ensemble ! Et c'est comme ça qu'il me remercie de pas l'avoir buté ! fulmine Marco en frappant du poing sur la table

Je soupire en inspectant mes ongles fraîchement manucurés. La nuit dernière a été courte, une petite heure de sommeil tout au plus. Entre les nouveaux éléments et les discussions stratégiques avec Gabin, j'ai eu de quoi rester éveillée. J'ai même eu le temps de me faire une manucure rouge écarlate pendant qu'on passait en revue les nouveaux dossiers.

CoupableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant