Mon oncle et moi ( da shu)

Les Ombres du Passé

À la surface, mon père brillait. Maire de la plus grande ville de Chine, homme charismatique, magnétique. Aux yeux du monde, il était ce modèle de réussite et de respectabilité. Mais moi, je connaissais la vérité. J'avais grandi dans son ombre, témoin silencieuse de ce qui se cachait derrière le masque de l'homme influent. L'image du père aimant n'était qu'un mensonge, une farce cruelle pour séduire ses électeurs.

Ma mère, la seule lumière de mon enfance, venait de disparaître. Elle était d'une noblesse aussi pure que sa famille, et c'est elle qui avait apporté richesse et respectabilité à mon père. Mais trois mois après sa mort, il ramena une nouvelle femme, un simulacre de mère, et sa fille - ma demi-sœur. Elle était belle, parfaite même, avec cette aura magnétique qui me donnait l'impression d'être invisible. Rapidement, elles s'installèrent et prirent possession de chaque espace, de chaque regard, de chaque once d'affection qui aurait pu m'être destinée.

Ma demi-sœur recevait tout. Des robes somptueuses, des cadeaux luxueux, des cours de danse et de théâtre... Le monde entier semblait se plier à ses moindres désirs. Et moi, j'étais laissée dans l'ombre, réduite à observer tout cela en silence, la faim tiraillant mon ventre jusqu'à ce qu'elle daigne décider que je pouvais manger.

Mon père prenait leur défense. Il me regardait à peine, comme si j'étais devenue une étrangère dans ma propre maison, une gêne qu'il supportait par obligation. Parfois, lorsque j'osais exprimer mon chagrin ou mon incompréhension, son regard devenait glacial, empli d'une froideur qui me glaçait jusqu'aux os.

Puis, après un an de ce calvaire, mon grand-père maternel intervint. Il me récupéra et m'emmena loin de cette vie toxique. J'avais six ans, mais une part de moi était déjà brisée, façonnée par cette enfance volée. Malgré la distance, les souvenirs restaient ancrés, impossibles à effacer. Et chaque fois que je voyais mon père, flamboyant dans ses campagnes électorales, jouant au mari et au père modèle, j'avais envie de hurler. Hurler cette vérité que personne ne voyait. Hurler pour cette petite fille qui, un jour, n'avait eu que le silence pour toute réponse.