L'Interview

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De retour à la maison après cette soirée inoubliable, j'avais encore des étoiles plein les yeux. J'envoyai un SMS à Mme Wang pour la remercier :

« Merci pour tout, Mme Wang. Cette soirée a changé ma vie. Je n'oublierai jamais votre gentillesse et votre soutien. »

Je restai assise sur mon lit, le sourire aux lèvres, revivant chaque instant de la cérémonie. Les applaudissements, les discussions avec des journalistes renommés, le discours de Mme Wang... Tout cela m'avait fait rêver. Je ne pouvais m'empêcher d'en parler à tout le monde : mon grand-père, Nana, mes amis.

Mais au milieu de ce bonheur, une ombre persistait. Je revoyais ce moment où mes yeux avaient croisé ceux de Da Shu. Il m'avait regardée avec cette intensité qui avait autrefois été si familière, avant de détourner le regard comme si je n'existais pas.

C'est ce que je voulais, non ? Qu'il me laisse tranquille ? Alors pourquoi avais-je ce pincement au cœur ?

Je balayai ces pensées d'un revers mental. Cela n'avait pas d'importance. Lui-même avait été clair : nos chemins ne se croiseraient plus. À quoi m'attendais-je, des félicitations ?

Les partiels approchaient, et je me lançai corps et âme dans mes révisions. J'étais déterminée à réussir, à prouver que ma place à la fac et dans ce milieu m'était légitime.

« Tu es une machine, Jeni'er, » plaisanta Xiaoyu en me voyant entourée de piles de livres à la bibliothèque.

« Je ne veux pas prendre de risques, » répondis-je en riant légèrement, bien que l'épuisement se faisait sentir.

Pendant cette période, je mis ma vie sociale en pause. Fini les karaokés et les soirées détente. Chaque minute libre était consacrée à mes études.


Quand les partiels furent enfin terminés, l'atmosphère à la fac changea. L'hiver s'installait doucement, et les vacances approchaient. Mais tout le monde n'avait qu'un mot à la bouche : le grand bal d'hiver.

Avec le club de journalisme, nous aidions à promouvoir l'événement en passant des chansons de Noël chinoises sur le campus. Les décorations lumineuses illuminaient chaque recoin de la fac, et les étudiants s'amusaient à porter des pulls de Noël extravagants.

« Regarde celui-là, » dit Minghao en désignant un étudiant avec un pull rouge criard et des rennes lumineux.

Xiaoyu éclata de rire. « On devrait tous s'en acheter un pour le bal ! »

« Pas question, » rétorquai-je en souriant. « Vous ne me ferez pas porter ça. »

Un jour, nous décidâmes de sortir pour profiter de l'ambiance festive. Nous passâmes l'après-midi à faire des photos devant des décorations de Noël au centre commercial, buvant du bubble tea et dégustant du barbecue chinois.

« C'est tellement sympa de te voir détendue, » remarqua Xiaoyu.

« J'en avais besoin, » avouai-je. « Après les examens, c'est comme si je pouvais enfin respirer. »

Une quinzaine de jours avant les vacances, Mme Wang me convoqua dans son bureau à la radio.

« Jeni'er, j'ai une mission importante pour toi, » commença-t-elle avec un sourire énigmatique.

Je fronçai les sourcils. « Quelle mission, Mme Wang ? »

Elle soupira légèrement. « Je devais interviewer un homme d'affaires influent à Pékin, mais je ne peux pas y aller. J'aimerais que tu prennes ma place. »

Mon cœur fit un bond. « Moi ? Vous voulez que j'interviewe un homme d'affaires ? »

Elle hocha la tête. « Oui. C'est une interview essentielle, mais rien de bien compliqué. Les questions sont déjà validées. Tu n'auras qu'à enregistrer ses réponses. Je sais que tu peux le faire. »

Je restai sans voix, hésitant entre la joie et l'appréhension. « Merci, Mme Wang. Merci pour votre confiance. Mais... et si je fais une erreur ? »

Elle me fixa avec bienveillance. « Jeni'er, tu es prête. Je te fais confiance. Tu n'as rien à craindre. »

Elle me remit toutes les instructions nécessaires, précisant que les réservations pour le train et l'hôtel avaient déjà été faites.

Le matin de mon départ, je pris un train en direction de Pékin. La capitale était froide en cette saison, mais l'effervescence qui y régnait me captivait. En arrivant à l'hôtel, je reçus un message de Mme Wang pour finaliser les derniers détails.

« Le chauffeur viendra te chercher à 15h pour te conduire à la tour Huayan, où l'interview aura lieu. Sois à l'heure. Tout ira bien. »

Je répondis avec un simple : « Merci, Mme Wang. Je ferai de mon mieux. »

À 15h précises, un chauffeur m'attendait devant l'hôtel. Il m'emmena jusqu'à un bâtiment imposant, tout en verre et en acier, brillant sous le ciel gris. La tour Huayan était un chef-d'œuvre architectural, moderne et impressionnant.

À l'intérieur, tout était conçu avec goût : des sols en marbre, des meubles élégants, et une ambiance feutrée qui respirait le luxe.

Après avoir été enregistrée à l'accueil, une femme sublime et impeccablement habillée vint me chercher.

« Suivez-moi, » dit-elle avec un sourire poli.

Nous prîmes un ascenseur qui nous emmena jusqu'au dernier étage. Là, elle m'indiqua une porte.

« Le président va arriver. Vous pouvez entrer et vous installer. »

Je pénétrai dans un bureau immense, raffiné et lumineux. Les baies vitrées offraient une vue spectaculaire sur la ville, et le mobilier était minimaliste mais luxueux.

Je m'assis dans un fauteuil confortable, serrant mon sac contre moi. Le silence était presque écrasant. Je me levai finalement pour regarder la vue à travers les vitres.

C'est alors que la porte s'ouvrit derrière moi.

« Le président est arrivé, » annonça la secrétaire avant de s'effacer pour laisser passer un homme.

Je me retournai lentement, et mes jambes menacèrent de se dérober sous moi.

C'était Da Shu.

Il portait un costume trois-pièces bleu nuit qui soulignait sa prestance naturelle. Une barbe naissante accentuait son air fatigué mais magnétique. Il était encore plus impressionnant que dans mes souvenirs.

Il s'arrêta en me voyant, ses yeux s'écarquillant légèrement avant de reprendre leur impassibilité habituelle.

« Jeni'er, » dit-il enfin, sa voix basse et rauque, pleine de cette autorité qui m'avait tant marquée autrefois.

Mon cœur battait à tout rompre, et ma respiration devint saccadée. Je tentai de parler, mais aucun son ne sortit.

C'était lui. L'homme que je devais interviewer.

Mon oncle et moi ( da shu)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant