L'exil

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L'année s'acheva sur un succès éclatant. Mes résultats aux examens étaient excellents, et mon stage avait été une réussite retentissante. Pourtant, malgré ces victoires, un vide persistant me rongeait. Tout ici était empreint de souvenirs que je voulais fuir à tout prix.

Un soir, après le dîner, je pris mon courage à deux mains et allai trouver mon grand-père dans son bureau.

« Grand-père, je veux finir mes études en Amérique, » déclarai-je d'un ton ferme.

Il leva les yeux de ses papiers, surpris.

« En Amérique ? Pourquoi là-bas ? Tu as tout ici, une excellente université, une maison, une famille. »

Je m'assis face à lui, les mains tremblantes mais déterminées.

« J'ai besoin de partir, de voir autre chose. Les États-Unis offrent des opportunités uniques dans le journalisme. C'est une chance que je ne peux pas laisser passer. »

Il fronça les sourcils, manifestement contrarié. « Est-ce vraiment pour tes études, ou pour fuir quelque chose ? »

Sa question me déstabilisa, mais je répondis sans ciller. « C'est pour mon avenir. »

Il resta silencieux, son regard perçant comme s'il essayait de lire à travers moi. Enfin, il soupira lourdement.

« Très bien. Si c'est ce que tu veux vraiment, je ne m'y opposerai pas. Mais sache que ce sera un défi, Jeni'er. Loin de tout ce que tu connais, tu devras te débrouiller seule. »

Un sourire soulagé éclaira mon visage. « Merci, grand-père. Je ne vous décevrai pas. »


Les semaines suivantes furent un tourbillon de préparatifs : remplir les papiers pour mon visa étudiant, organiser mon déménagement, et choisir ce que j'allais emporter avec moi. Nana, toujours si forte, m'aidait à plier mes vêtements tout en retenant ses larmes.

Le jour du départ, la maison était étrangement silencieuse. À l'aéroport, Nana ne put contenir son émotion lorsqu'elle me serra dans ses bras.

« Mon enfant, prends soin de toi, » murmura-t-elle en essuyant ses larmes.

« Je reviendrai vous voir, Nana, c'est promis, » dis-je en lui rendant son étreinte.

Grand-père resta plus stoïque, mais son ton était empreint d'une gravité inhabituelle lorsqu'il me parla.

« Fais honneur à ton nom. Et surtout, reste fidèle à toi-même. »

Je hochai la tête, les yeux embués, incapable de répondre.

Juste avant l'embarquement, mon téléphone sonna. C'était mon père.

« Tu pars donc pour les États-Unis, » dit-il froidement.

« Oui, papa, c'est une opportunité pour mes études, » répondis-je, essayant de garder mon calme.

Il rit sèchement. « Toujours à n'en faire qu'à ta tête. Même ta sœur n'a jamais eu ce genre de privilège, et pourtant elle a suivi les règles. »

Mon estomac se serra, mais je répondis fermement. « J'ai travaillé pour cela. J'ai mérité cette chance. »

« Peu importe. Fais ce que tu veux. Mais ne viens pas pleurer si tout s'écroule. »

Et il raccrocha sans attendre ma réponse.

Je regardai l'écran de mon téléphone, un mélange de colère et de tristesse m'envahissant.

Le vol fut long et éprouvant, mais lorsque l'avion atterrit, une vague de nervosité mêlée d'excitation me submergea. À la sortie de l'aéroport, un chauffeur m'attendait pour m'emmener sur le campus de ma nouvelle université, située dans une ville animée du nord-est des États-Unis.

Le campus était impressionnant : des bâtiments en briques rouges bordés d'arbres centenaires, des pelouses impeccables, et des étudiants en mouvement constant. Tout semblait si différent de ce que j'avais connu jusqu'à présent.

À mon arrivée dans le dortoir, je rencontrai mes colocataires.

« Salut ! Tu dois être Jenia, » s'exclama une blonde pétillante en m'ouvrant la porte. « Je suis Emily, et voici Sofia. »

Sofia, une brune réservée mais chaleureuse, me sourit timidement. « Bienvenue ! Si tu as besoin de quoi que ce soit, fais-le nous savoir. »

Je les remerciai en balbutiant quelques mots, encore intimidée par ce nouvel environnement.

Les jours suivants furent une suite de découvertes et d'ajustements. Le rythme des cours était intense, mais stimulant. Les professeurs encourageaient les discussions et l'esprit critique, ce qui était une expérience nouvelle pour moi.

Je me jetai corps et âme dans mes études, trouvant dans le travail une manière de détourner mes pensées des souvenirs douloureux.

Un jour, Emily m'entraîna dans une fête organisée par l'université.

« Tu dois sortir un peu, » insista-t-elle avec enthousiasme.

La soirée était animée, remplie de musique et de rires. Je me sentais encore un peu étrangère à tout cela, mais l'énergie ambiante était contagieuse.

« Alors, comment tu trouves l'Amérique ? » demanda Sofia en me tendant un verre de soda.

« C'est... différent, » répondis-je avec un sourire hésitant.


Au fil des semaines, je m'adaptai à ma nouvelle vie. Je rejoignis un club de journalisme, espérant retrouver un peu de moi-même dans cet environnement inconnu.

Un soir, après une réunion, le président du club m'interpella.

« Jeni'er, ton article sur les différences entre les médias chinois et américains est excellent. On aimerait le publier sur le site de l'université. »

Je restai bouche bée, ne sachant quoi répondre. « Vraiment ? »

« Absolument. Tu as un talent naturel. Continue comme ça. »

Ces mots résonnèrent en moi. Pour la première fois depuis longtemps, je sentis une fierté naître en moi, une petite lueur d'espoir au milieu de mes doutes.

Un week-end, alors que je marchais sur le campus, je sortis un carnet de mon sac et commençai à écrire. Chaque mot que je posais sur le papier semblait alléger le poids que je portais en moi.

"À Da Shu,
Tu fais encore partie de mes pensées, malgré moi. Mais ici, dans cette nouvelle vie, je commence à me retrouver. Tu ne me contrôleras plus.
Je suis libre."

Je déchirai la page et la laissai s'envoler dans le vent.

Et pour la première fois depuis longtemps, je sentis que cette nouvelle vie était une chance de me redéfinir, loin de lui, loin de tout ce qui m'avait autrefois enchaînée.

Mon oncle et moi ( da shu)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant