L'Eveil sous la Protection de Yeye

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Après l'enfer que j'avais laissé derrière moi, la vie chez mon grand-père maternel, Zhang Yichen, fut une bouffée d'air. Tout le monde l'appelait "YeYe" avec respect et tendresse. Pour moi, il devint un refuge, un père, un pilier. Chaque sourire, chaque mot rassurant effaçait peu à peu les traces sombres laissées par mon passé. Il m’appelait "Petite Poupée" (小娃娃, Xiǎo Wáwa), un surnom affectueux qui finit par me faire croire que j’étais spéciale, aimée, précieuse. Avec lui, ma vie devint lumineuse, douce, comme un rêve d'enfant.

Mon oncle, Li Xi'an, ou simplement Da Shu (大叔), était différent. Il n’était pas le frère biologique de ma mère, mais son frère adoptif. À mon arrivée chez YeYe, Da Shu avait 23 ans. Je me souviens de la première fois que je l’ai vu : une silhouette imposante de près de deux mètres, des épaules larges, des bras robustes marqués par l’entraînement intense du judo et de la boxe thaï. Une cicatrice traversait son sourcil droit, lui donnant un air sévère. Il n'était pas vraiment beau dans le sens classique, mais quelque chose en lui dégageait un charme magnétique, dangereux, presque intimidant. Lorsqu’il croisait mon regard, un frisson d’inquiétude me parcourait.

Et pourtant, sous cette apparence brute, il y avait une douceur cachée. Il m’appelait lui aussi "Petite Poupée" avec une voix rauque, presque comme un murmure. Malgré ses allures rebelles – il séchait les cours, rentrait tard, parfois couvert de bleus ou, pire, de sang – il me faisait sentir en sécurité. Un soir, en descendant boire de l’eau, je l’avais croisé dans le couloir. Son visage et ses mains étaient maculés de sang. Un instant, la peur m’avait figée. Il m’avait adressé un regard impénétrable, et je m’étais enfuie en courant, mon cœur battant à tout rompre.

Mais le lendemain, comme un étrange jeu silencieux entre lui et moi, un petit cadeau m’attendait devant ma porte. Une petite poupée en porcelaine, un bijou, une friandise rare... c’était toujours lui. Jamais il n’admettait que ces présents venaient de lui, mais c’était évident. À chaque fois que je voyais ces petites attentions, je savais que malgré son silence et son apparente dureté, Da Shu veillait sur moi.

Aux repas, il parlait peu, jetant parfois des regards fuyants à YeYe. Si YeYe le voyait rentrer trop tard ou avec un comportement de mauvais garçon, il le frappait parfois avec un fouet de bambou, le forçant à s’agenouiller dans le grand hall de la maison, parfois des heures durant. Mais il ne montrait jamais la moindre douleur, même sous le regard sévère de mon grand-père.

Malgré cela, il m’offrait un autre monde, loin de la sévérité de YeYe. Il m’emmenait au parc d’attractions, dans des musées. Je devenais sa petite ombre, sa "poupée", et avec lui, j’explorais cette ville immense, peuplée de secrets et d’aventures. Chaque matin, il m’attendait devant l’école, une cigarette à la main, toujours aussi silencieux mais attentif, un protecteur taciturne que rien ne semblait pouvoir effrayer. Avec lui, j’avais découvert ce qu’était le sentiment de protection, une chaleur étrange qui me donnait presque envie de croire que, peut-être, je méritais enfin d’être aimé e.

Mon oncle et moi ( da shu)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant