Chapitre 3

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Sin posa son regard sur les deux assiettes à moitié vide devant lui en soupirant de lassitude. Kaya lui avait demandé de se rendre dans ce restaurant minable, prétextant que c'était pour une raison extrêmement importante. Pensant qu'elle l'aiderait à trouver la personne qu'il cherchait, il s'y était rendu, sans se poser la moindre question. Cela faisait bientôt deux heures qu'il l'attendait, et elle ne s'était jamais pointée. Kaya était de nature folle et extravertie. On ne savait jamais à quoi s'attendre avec elle et ses prévisions étaient tout sauf précises, bien que jamais fausses. Il ne savait si c'était son manque de sérieux ou son manque de précision dans ses prémonitions qu'il détestait le plus. Soupirant de lassitude, il termina le reste des frites présentes dans son assiette.

De son point de vue, les humains représentaient une race inférieure frêle et fragile, et surtout, mortelle. Il s'était interdit de s'en approcher, car la dernière chose qu'il voulait était de voir un être à qui il s'était attaché pousser son dernier souffle entre ses bras. Cependant, il devait bien admettre que leur gastronomie avait son mérite. Rares étaient les immortels qui avaient besoin de se nourrir pour vivre. Pour la plupart ce n'était qu'un simple désir d'avoir sur la langue le goût d'un aliment précis. Ce fut la raison pour laquelle ils ne cuisinaient jamais, laissant cela aux humains.

Il souleva la tête de son assiette et profita pour regarder l'assemblée présente autour de lui, quand son regard se posa sur la femme qu'il avait sermonné quelques heures plus tôt pour lui avoir volé une frite.

Cette femme... Il ne pouvait nier à quelle point elle était belle. Cependant, ce n'était pas sa beauté qui faisait naître en lui ces troubles. C'était son odeur. Pas celle synthétique d'un simple parfum, au contraire. Il s'agissait plutôt d'une odeur troublante, envoûtante, quoique familière. Il ne pouvait dire exactement ce que c'était. En revanche, il savait que ce n'était pas la première fois qu'il la sentait. Et pourtant, il était certain de n'avoir jamais vu cette femme auparavant. Peut-être était-ce dû à son imagination et au fait qu'il n'avait pas encore satisfait son besoin de sexe.

Il sursauta lorsqu'une voix résonna dans sa tête.

- Hello, it's me !

Il reconnu cette voix immédiatement.

- Kaya ! chuchota-t-il. Tu parles anglais maintenant ?

- Que veux-tu ? J'aime Adèle.

- Qui ?

- Mon chéri, il faudrait songer à refaire ta culture.

- Kaya, je me moque de ma culture. Aurais-tu oublié que nous devions nous retrouver ici, et que cela fait deux heures que je t'attends ?

- Non, je n'avais pas oublié. Mais je ne trouvais rien à me mettre. Ah, tu voulais peut-être que je vienne nue ? Il fallait le dire plus tôt mon chou.

- Kaya, dit-il en frappant son poing sur la table. Viens en au fait. Pourquoi m'avoir fait venir ici ?

- Doucement, joli coeur. Je suis dans ta tête, ne l'oublie pas. Tu passes déjà pour un fou dans un bar.

- Réponds !

- Tu ne sais vraiment pas pourquoi tu es ici ? Tu n'en as vraiment aucune idée ?

- Lorsque l'on pose une question, c'est en générale parce que l'on ignore la réponse. Alors non, je n'en ai pas la moindre idée.

- Chaque fois que je te mets sur une piste pour atteindre ton objectif, tu t'en éloignes.

- De quoi parles-tu ?

Il entendit un soupir d'agacement venant de Kaya.

- Par tous les dieux, bête comme ses pieds cet homme ! Je parle de la personne que tu es censé trouver.

- Elle est ici ?

- Était. Tu te rappelles de la petite "voleuse de frites" ?

- C'était elle ?

- Ton QI n'a guère évolué depuis le temps.

- As-tu d'autres informations à me donner, à l'exception de phrases futiles sur mon intelligence ?

- Oui mon chou. Tu ferais mieux de la rattraper, et vite. Tu n'es pas le seul à convoiter cette chère petite. Alors, envoie tes hommes à sa recherche et rattrape la.

- Qui d'autre la cherche ? Et pourquoi cette humaine est-elle si importante ?

Il n'eut pour réponse que les regards curieux des gens autour de lui, se demandant sans doutes s'il était fou. Il n'eut pas le temps de répondre à leurs attentes qu'il s'élançait déjà à la poursuite de la femme.

Alors qu'il ouvrit la porte du restaurant, l'image qu'il avait devant les yeux lui glaça le sang. Il vit la femme, évanouie dans les bras d'un homme, disparaissant dans un nuage de fumée. Alors, il comprit : on venait d'enlever la seule personne qui aurait pu l'aider à sauver son frère.

***

Jaelyn se réveilla, les membres courbaturés et avec une terrible migraine. La journée commençait mal. Elle ne voyait qu'une solution: prendre de l'aspirine et revenir s'étendre quelques minutes, le temps que le médicament fasse effet. Sa bouche était aussi sèche qu'un désert, sa langue pâteuse. Elle tenta de se redresser, mais fut stoppée par une douleur aux poignets. Lorsqu'elle releva la tête, elle vit la cause de son soudain malaise: ses poignets était attachées au mur, de chaque côté de sa tête, par des espèces de chaînes argentées. Elle eut beau tirer de toutes ses forces, l'unique chose qu'elle parvînt à gagner fut des poignets ensanglantés beaucoup plus endoloris. Malgré la peur qui la paralysait, elle essaya d'identifier l'endroit dans lequel elle se trouvait. C'était une pièce close, petite, à peine suffisante pour contenir une personne. Il n'y avait aucune fenêtre, pas même l'ombre d'un meuble. Seule la porte entrouverte en face d'elle rendait cet endroit moins gore. Elle remarqua, dans le coin du mur, un vase cassé. Génial ! Pour se suicider avant que son agresseur ne s'en charge, ce serait parfait !

Une multitude de questions l'assaillirent. Où se trouvait-elle ? Comment avait-elle fait pour atterrir dans cet endroit sinistre ? Et surtout, par l'intervention de qui ?

Ces questions restèrent évidemment sans réponses. Elle n'avait d'ailleurs que peu de souvenir des événements de la veille. Lentement, ceux-ci revinrent à sa mémoire. Elle se rappelait avoir finit son service à l'heure, comme toutes les autres banales journées. Puis elle avait franchit le seuil du restaurant et était sortit. Alors qu'elle se dirigeait vers sa voiture, elle se souvenait qu'une soudaine douleur au cou l'avait stoppée net dans son élan. Et après... plus rien. Ce fut le noir complet, jusqu'à ce qu'elle se réveille dans cette pièce.

Elle attendit quelques instants, en essayant de lutter contre la panique. Seul le silence de mort lui répondit. Il fallait qu'elle se calme.

Chose plus facile à dire qu'à faire, songea-t-elle.

Il fallait qu'elle se sorte de cette situation. Après pourrait-elle se concentrer sur la raison qui faisait d'elle une vulgaire prisonnière. Alors qu'elle venait de commencer à se détendre, ou du moins presque, la porte s'ouvrit à la volée...

Les frères de la Nuit - 1 - L'appât Du DésirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant