Les frères de la Nuit - 1 - L'appât Du Désir

Chapitre 37

Jaelyn leva les yeux vers Sin. Elle se laissa hypnotiser par une goutte de sueur qui roula sur son torse et alla se perdre dans le creux de ses abdominaux. Elle brûlait d'envie de suivre de ses lèvres le contour de chacun de ses muscles, de lécher sa peau bronzée par le soleil. Elle se mit à maudire ses pensées toutes sauf chastes et pures. Son esprit était corrompu par la beauté qui émanait de cet homme. Elle du faire un effort surhumain pour rester maîtresse d'elle même et reprendre ses esprits. 

- C'était comment ?

- Vraiment lamentable, répondit-il en plissant les yeux. 

- Je suis désolée. Je peux m'améliorer.

- J'en doute, mais je le croirai quand je le verrai.

- Eh, c'était méchant ça. Le mensonge a ses avantages aussi tu sais !

Elle émit un grognement de désapprobation et se releva. Ils s'entraînaient depuis déjà un moment à tel point qu'elle était à bout de souffle. Elle était toujours bouleversée par ses rêves de la veille, ce qui diminuait sa concentration. Elle était dévorée entre l'envie de se remémorer les informations qu'elle avait reçu sur sa mère et celle d'en apprendre encore davantage.

- Tu dois te servir de toutes les armes dont tu disposes, tes genoux, ta tête. Tout ! Tu ne dois pas hésiter à faire mal, quand bien même s'il s'agit de coups bas, de coups dans le dos. Si le visage de ton ennemi est à ta portée, vise les yeux. Ou alors casse lui le nez en le frappant avec ton front. 

Après avoir profité du luxe de leur motel encore quelques heures, pris un bain chaud, ils avaient décidé qu'il était temps de quitter les lieux. Puis ils avaient roulé jusqu'à un fast-food où leur a été servi un copieux petit-déjeuner. Enfin, ils avaient roulé de nouveau toute la journée et s'étaient finalement arrêtés dans une cabane abandonnée pour y passer la nuit. Aucun d'eux ne savaient où se rendre exactement. Ils ne pouvaient en aucun cas s'éterniser au même endroit trop longtemps, de peur que les hommes de Klaus ne les attaquent à nouveau. Pour le moment, ils n'avaient d'autres choix que d'attendre le prochain message de Kaya quant à leur future destination.

Biensur, malgré la fatigue qui pesait sur chacun d'eux, Sin avait eu la brillante idée de lui imposer cette séance d'entraînement.

- On ne peut pas prendre une pause ? Je suis littéralement KO.

- Klaus lui ne fait pas de pause.

- Tu es le pire entraîneur qu'il puisse exister, on te la deja dit ça ?

- C'est parce que jusque ici, mes élèves savaient se servir de leur poing.

- C'est bas ça ! Très bas !

- Tout comme ton niveau d'endurance. On reprend tout depuis le début. Tu te retrouves seule contre de nombreux attaquants. Quelle est la première chose que tu fais ?

- Je fuis.

- Jaelyn !

- On ne peut même plus plaisanter ?

Sin lui lança un tel regard noir qu'elle leva les mains en l'air en signe d'abdication.

- Bon, d'accord d'accord. Alors, je suis seule contre un plusieurs. Je commence par les compter rapidement.

- Pourquoi ?

- Parce que ils se sépareront sûrement et tenteront de m'encercler. Les compter m'aidera à n'en n'oublier aucun.

Elle avait bien retenu tous les cours que lui donnait Sin, quand bien même son manque d'enthousiasme laissait paraître le contraire. Elle s'évertuait à être une élève modèle, non pas car Sin la forçait - enfin peut-être un peu - mais surtout car elle devait admettre qu'elle aimait ce sentiment de puissance, d'invincibilité, qui la submergeait quand elle se battait. Par ailleurs, elle avait le pressentiment qu'en adoptant une des attitudes de sa mère, cela la rapprocherait d'elle. Même si une part d'elle même se demandait toujours quel était l'intérêt de ces entraînements, car il était évident que si elle redevenait humaine, elle n'aurait aucune occasion pour les mettre en pratique. Sauf peut-être pour se défendre contre un petit voleur bon marché désireux de lui voler son sac en pleine rue.

- Ensuite ? Que fais-tu ?

- Ensuite, j'essaye de découvrir quelles espèces sont en face de moi. Mes principaux atouts sont ma vitesse et mon agilité. Si ce sont des change-formes, ils prendront une forme qui leur donnera l'avantage face à moi, ou en tout cas une qui leur donnera autant de vitesse et de précision. Il laisserons donc de côté la force. Les loup-garous, eux, n'hésiteront pas à prendre leur véritable forme, eux aussi seront rapides. Quant aux autres espèces, elles utiliseront des armes. 

- Tu es armée, eux aussi. Ils s'approchent de toi, que fais-tu ?

- S'ils dirigent leur arme vers mon cou, j'esquive en me baissant et je les attaque au niveau du talon d'Achille. S'ils ne peuvent plus bouger, ils ne peuvent plus s'échapper. Si au contraire ils dirigent leur arme plus bas, je recule et j'utilise leur court moment de déséquilibre à mon avantage.

Elle s'attendait à ce qu'il acquiesce, fier d'elle, mais rien. Jusqu'ici elle avait prouvé qu'elle était une élève attentive qui n'avait commit aucune erreur, du moins théoriquement. Elle espérait être autant à l'aise lorsqu'ils passeraient à la pratique. Quoiqu'il en était, l'attitude autoritaire de son partenaire l'agaçait au plus haut point. Elle rêvait du jour où elle pourrait enfin provoquer chez Sin un vrai sourire, autre que les petites mimiques perverses qu'il lui faisait. 

- Et s'ils dirigent leur arme vers ta poitrine ? 

Elle fit mine de réfléchir, alors qu'elle connaissait déjà la réponse.

- Je suis droitière, donc je pare l'attaque avec le poignard dans ma main gauche, puis je l'attaque avec celle dans ma main droite.

Cette fois,elle ne fut pas étonnée par l'absence de réaction de Sin. Tous les immortels étaient aussi stoïques, ou n'était-ce un trait de caractère qui n'appartenait qu'à lui ?  

- Pourquoi continuer de s'entraîner ? Je vais bientôt redevenir humaine, à quoi cela me servira-t-il ?

- On n'est jamais à l'abris du danger, Jaelyn. Que feras-tu en cas d'un nouvel assaut de la part des hommes de Klaus ? Cette fois, Morganne ne sera pas présente pour nous donner un coup de main.

Elle allait répliquer qu'elle ne voyait toujours pas l'utilité de cette formation, quand il la devança.

- On a finit avec la théorie. On continuera la pratique une autre fois.

Enfin ! Elle ne put retenir un cri de satisfaction. Elle prit sa trousse de toilettes et se dirigea vers la rivière non loin de leur cabane. A peine eut-elle retiré ses vêtements qu'elle se laissa glisser dans les profondeurs du lac. Soudain, ses oreilles tressautèrent et elle se figea lorsqu'elle entendit un bruit. 

Y avait-il quelqu'un dans l'obscurité ?

Les sourcils froncés, elle inspecta les environs. Une minute passa, puis une autre, mais rien. C'était peut-être juste le vent. Elle continua sa toilette, frottant ses bras à l'aide d'une éponge. Lorsqu'elle eut terminé son bain, alors qu'elle se dirigeait vers ses vêtements posés sur un gros rocher, à quelques pas, son attention se reporta sur un parchemin enroulé à l'aide d'un ruban rouge qui n'était pas là auparavant. Lorsqu'elle l'ouvrit, elle reconnut l'écriture de Kaya.

"Votre prochaine destination : Pointe-Denis, au Gabon. Profitez de la douceur du sable et des cocotiers, de la nature verdoyante, de la faune et la flore généreuses. Bonne lune de Miaw, les enfants ! Et surtout, ne faîtes rien que je ne ferai pas !" 

Enfin des nouvelles de sa tante ! Il y en a un qui allait être ravi - ou pas...