Les frères de la Nuit - 1 - L'appât Du Désir

Chapitre 35

Château de Versailles, Février 1745...

- C'est totalement grotesque, clama Elizabeth en se dirigeant vers le château de Versailles en compagnie de son amie Kaya.

- Détends-toi, Eiliv. Si tu parais crispée, on se doutera de quelque chose. Soit plus naturelle, comme je le suis.

- Premièrement, maintenant c'est Elizabeth et non plus Eiliv. Ensuite, quelle drôle d'idée de venir ici ! 

Dans la nuit de 25 au 26 Février 1745, le roi Louis XV donna un bal de carnaval somptueux au château de Versailles, pour les noces du Dauphin et de Marie Thérèse d'Espagne. Cette nuit, plus de mille personnes devaient se réunir et il suffisait de porter un masque pour y être accepté. Bien évidemment, il était or de question pour Kaya de rater une telle occasion. Selon elle, un événement d'une grande importance devait avoir lieu. Elle refusait cependant de donner plus de détails à Elizabeth. 

- Pourquoi venir ici, au beau milieu d'êtres humains ?

- Dois-je te rappeler qu'il y a quelques siècles encore, humaine tu étais, lança Kaya avec un regard en biais. 

- Inutile de me le rappeler. Mais je faisais référence au fait que nous pouvons être découvertes cette nuit.

- Si tu continues d'agir ainsi, c'est évident.

- Et pourquoi cet accoutrement ? C'est tout à fait ridicule, pesta Elizabeth en faisant référence à sa robe. Je suis une guerrière, pas une reine !

Conformément à la demande de Kaya - ou plutôt ses ordres - elle avait accepté de se déguiser en Anne Boleyn.  La robe d'une seule pièce était confectionnée avec soin, en velours de coton bordeaux. Le col et la taille étaient bordés d'un liseré de sequins dorés. Le corsage était serré avec un décolleté carré et les manches se terminaient par des volants de dentelle. La jupe était maintenue par une armature qui lui donnait plus de volume. L'ensemble de la tenue était ornée de broderies et de bijoux en or. A cela s'ajoutait un masque à bâton surmonté de plumes.

- Avec de telles manières, tu ne pourrais même pas être son valet, fit Kaya avec un air de plaisanterie. Anne Boleyn n'est pas seulement connue pour son refus de se donner au roi Henri VIII comme maîtresse. Avant tout, son ambition et sa confiance en elle en ont fait une personnalité historique fascinante. 

- Alors pourquoi ne portes-tu pas ce costume plutôt ?

- Car elle a finit décapitée, quelle question !

Pour toute réponse, Elizabeth leva les yeux au ciel. Elle était depuis longtemps habituée à l'humour de son amie.

- Et puis, continua Kaya, la tenue que j'ai choisi me correspond beaucoup plus.

Elle avait décidé de se vêtir en bohémienne. Elle portait un corset victorien ainsi qu'une jupe surmontée d'une sur-jupe drapée à base noire avec un voile violet semé d'arabesques en or. La jupe avait une coupe asymétrique qui dévoilait la cheville gauche. Le bustier était constitué de plusieurs couleurs, la poitrine se paraît d'un bleu nuit tandis que le corps du corset était d'un violet satiné orné d'un laçage doré. La tenue était finalisée par un foulard noir noué dans ses cheveux. 

La réputation des bohémiennes était paradoxale. Elles étaient libres et séductrices, à la fois désirées et redoutées car transgressives et scandaleuses. Les femmes les détestaient car secrètement les jalousaient, les hommes les convoitaient. Mais elles n'étaient pas seulement connues pour leur beauté sauvage et libertine, beaucoup les désignait comme diseuses de bonne aventure, ayant un don pour voir l'avenir. Il était alors évident qu'aucun autre costume ne pourrait mieux convenir à Kaya.