Chapitre 39

781 90 0
                                    

Paris, en l'an 1901...

- Kaya, est-ce vraiment utile de faire ça ? En terme d'idées stupides, celle là remporte la médaille d'or, maugréa Elizabeth.

- Ça tombe bien que tu parles d'or car c'est justement ce que je vais chercher ! 

- Pourquoi sommes-nous ici ?

- Patience...

Elizabeth soupira en levant les yeux vers le ciel. Elle avait accepté d'accompagner Kaya à Paris, ville de l'art, de la lumière et de l'amour, en espérant se divertir à sa façon. Son amie lui avait assuré qu'elles iraient à la galerie d'Ambroise Vollard, où avait lieu la première exposition du jeune peintre Pablo Picasso. Elle avait toujours été attirée par l'art. Elle trouvait cela fascinant de voir à quel point les artistes arrivaient à transmettre une multitude d'émotions à travers leurs œuvres. Elle était certes une ancienne viking sans pitié sur les champs de bataille, elle n'en restait pas moins une femme sentimentale sous ses airs féroces. Avoir la chance de pouvoir assister à l'exposition de Picasso représentait pour elle une occasion à ne pas manquer. Cependant, elle aurait du se douter qu'il ne s'agissait là que d'un appât destiné à l'attirer dans l'un des fameux pièges tendu par Kaya. Au lieu de cela, voilà qu'elle se retrouvait, en une belle nuit de printemps, devant une orfèvrerie, la bijouterie Fouquet . 

Il s'agissait d'une bijouterie très récente. Sa façade était composée de cinq portiques en bois. Entre chacune d'elles étaient présentes des colonnes en bois décorées de motifs végétaux sculptés en fer forgé. L'arcade centrale, plus haute que les autres, était surmontée de l'inscription "G. FOUQUET". Une imposante sculpture montrant une jeune femme tenant un collier dans ses mains y était soigneusement fixée. Les quatre autres portiques, plus petites, servaient soit de porte d'entrée à la bijouterie, soit de vitrine. Ils étaient tous surmontées par des disques translucides qui laissaient passer à travers des rayons lumineux, représentant des figures féminines. A défaut de pouvoir contempler les oeuvres de Picasso, elle pouvait tout de même admirer la fantaisie artistique de l'architecte. 

Elle ne connaissait cependant toujours pas les véritables intentions de son amie. Pourquoi l'avoir emmener devant cette bijouterie, en pleine nuit ? Ce n'était en aucun cas dans le but de pouvoir être éblouie par son style et sa décoration. A moins que... Une supposition naquit dans son esprit.

- Kaya, rassure moi. Tu ne comptes tout de même pas cambrioler cette bijouterie ?

Lorsque son amie se retourna vers elle, le regard lourd de sous-entendus accompagné d'une ébauche de sourire mi-angélique mi-sournoise, elle comprit ce qui se passait. 

- Nous n'allons pas voler. On va juste emprunter, sans rien dire. 

Kaya avait l'art et la manière de remplacer des expressions littérales à connotation négative par des phrases à visées atténuantes. Elle devait reconnaître, sur ce point, que ses euphémismes étaient bien trouvées. Elle manipulait les mots avec une telle dextérité qu'on pouvait presque lui pardonner le fait qu'elle s'apprêtait à commettre un délit. Presque.

- Kaya, tu es folle ! Si tu crois que je vais participer à ce genre d'activité illicite, tu peux...

Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase que déjà Kaya s'empara d'une roche et la lança une pierre en direction de la vitrine en verre. Celle-ci vola en éclat. 

- Kaya ! clama-t-elle avec ferveur.

- Ce que tu peux être rabat-joie, Beth. Heureusement que notre cher Warren est là pour réchauffer ton lit. 

Elizabeth poussa un soupir d'exaspération, ce qui n'empêcha pas son amie de continuer.

- Je ne regrette pas de vous avoir présentés, cette nuit là, à Versailles. Bien sûr, vous auriez fait connaissance tôt ou tard, je n'ai fait qu'accélérer la rencontre entre deux âme-soeurs. Vous étiez fait pour être ensemble.

Les frères de la Nuit - 1 - L'appât Du DésirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant