Chapitre 7

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Sin frappa le bras de Valerius avec le plat de son épée.

- Fais attention, Valerius. Un moment d'inattention peut te coûter la vie, dit-il à son ami avec une pointe de reproche.

Valerius hocha la tête tout en reculant de quelques pas, avant de se repositionner pour le combat. Cela faisait des mois que Sin entraînait Valerius. Étant le chef de la rébellion contre la meute de Klaus, Sin s'était donné pour mission d'entraîner ses hommes pour la bataille finale. En plus d'être celui en qui il avait placé le plus d'espoir, Valerius était de loin son meilleur et plus fidèle allié. Son endurance et sa physionomie faisaient la différence. C'était la raison pour laquelle il n'acceptait pas le moindre moment d'inattention de sa part.

Sin ne craignait pas de provoquer Valerius. C'était l'un des rares hommes qui pouvait lui tenir tête, au moins pendant quelques minutes. Ils se connaissaient depuis plus de trois siècles. Avant de devenir immortels, les deux hommes avaient été frères d'armes et avaient vaillamment combattu au côté de l'Empire ottoman contre les russes durant la guerre Russo-turque de 1710, ce qui avait permis leur victoire. Sin avait échappé de nombreuses fois à la mort, et ce grâce à son ami de longue date. De ce fait, il plaçait en lui une totale confiance. Par la suite, chacun avait tracé sa route une fois devenu immortel. Sin était devenu un incube. Sa réputation de combattant féroce et sans craintes l'avait suivi jusque dans l'immortalité. Valerius, quant à lui, était devenu un change-forme. Les change-formes étaient de puissants immortels ayant la capacité de modifier leur apparence physique, principalement en animal qui convient le mieux à leur personnalité. Certains prenaient la forme de tigres ou encore de lions. D'autres se métamorphosaient en phœnix ou en satyre. Une fois transformés, toutes leurs capacités, qu'elles soient intellectuelles ou physiques, étaient décuplées : leur vision, de nuit ou de jour, était plus optimale que celle des humains, leur force était similaire à celle de plus d'une centaine d'hommes réunis, leur ouïe et leur odorat étaient aussi développés que ceux des félins... Ce don se manifestait à des âges différents selon la personne, mais en générale lorsque celle-ci avait atteint la puberté. Mais comme tout immortel, les change-formes avaient leurs limites. L'accès à d'autres formes que celle que le destin leur a accordé est impossible. Seul une espèce de change-formes, les Skin-Walker, avait la possibilité de prendre plusieurs formes à la fois. Valerius était l'un d'eux.

- Allez, Valerius ! On reprend.

Relevant son épée, Valerius attaqua. Leurs épées s'entrechoquèrent. 

Les deux hommes se mirent alors à parer,à attaquer, à s'esquiver d'une pirouette... Soudain, Sin prit l'avantage et logea la pointe de son épée contre le buste de son adversaire. C'est alors qu'il se rendit compte que les soldats qui les entouraient, au lieu de les acclamer ou de les encourager, retenaient leur souffle. Pourtant, leur regard n'était pas fixé sur la lame qui pointait vers Valerius, mais plutôt derrière lui, plus haut, sur la fenêtre du château. Prit, d'un doute, il rangea son épée puis se retourna vers ce qui pouvait bien préoccuper ses hommes au point que ceux-ci en arrêtent leur entraînement. Le spectacle qu'il avait devant les yeux lui coupa le souffle. Il ne put retenir son juron.

- Dites-moi que je rêve ! Cette femme est une véritable catastrophe ! grommela-t-il entre ses dents.

Tous les regards étaient tournés vers une jeune femme suspendue dans le vide, à une dizaine de mètres du sol, accrochée à une simple corde faite de draps noués entre eux.

- Qui est-elle ? s'enquit Valerius qui se rapprochait de son ami.

- C'est elle.

Cette réponse semblait apparemment être suffisante pour Valerius car celui-ci se contenta de hocher la tête sans répondre. Sin n'avait pas jugé utile d'informer ses hommes au sujet de la présence de la jeune femme, aussi Valerius était le seul au courant.

- Pourquoi ne passe-t-elle tout simplement pas par la porte ? demanda-t-il alors.

- Parce qu'elle n'a vraiment rien dans la tête ! maugréa Sin.

Il vida ses poumons d'un coup en un soupir exaspéré puis il s'élança à grands pas vers l'auteur de ses tourments.

***

Allez, courage Jay ! Tu peux le faire ! pensa la jeune femme.

Voilà déjà une dizaine de minutes que Jaelyn descendait de la forteresse de manière régulière, accrochée à sa corde sur mesure, avalant sa salive pour décompresser. Pour se donner du courage et oublier sa peur, sans savoir exactement ce qui lui passait par la tête, ses lèvre se mirent à fredonner un air de musique pour enfants. Ne pouvant s'en empêcher, elle se mit à chanter en augmentant progressivement son intensité sonore.

- Elle descend de la demeure à la corde ! Elle descend de la demeure à la corde ! Elle descend de la demeure, elle descend de la demeure, elle descend de la demeure à la corde. Singing I, I, youpee, youpee... Je n'en peux plus, lâcha-t-elle, à bout de force.

De nouveau, sa peur et sa fatigue reprirent le dessus, l'empêchant d'achever la chanson. La sueur perlait sur son front, tout se mettait à tourner, elle allait lâcher et tomber, c'était certain. Elle n'en pouvait plus, ses mains la brûlaient et lui faisaient mal. Après avoir jeté un dernier regard en bas, elle leva les yeux vers le ciel, le visage désespéré. Mais une voix intérieure lui murmurait de continuer. Elle respira un bon coup, puis acheva sa descente. Alors qu'elle s'apprêtait à descendre le reste de la forteresse, l'inévitable se produisit, elle venait d'arriver au bout de la corde. Elle réprima un juron.

- Jamais plus je n'écouterai tes stupides conseils, stupide cerveau !

Elle s'autorisa à regarder vers le sol et vit qu'il lui restait encore quelques mètres. Cette hauteur n'était pas négligeable, elle ne pouvait pas sauter, quand bien même elle l'aurait voulut. Les larmes lui montaient aux yeux. C'était la fin. Elle le savait. Elle n'avait plus de force, ni mentalement, ni physiquement. Remonter lui demanderait trop d'énergie et... trop tard, sa main glissa le long du reste de la corde et elle lâcha prise. Elle perdit pied et sa chute la précipita dans l'abîme. Elle avait à peine le temps de voir passer quelques tâches obscures et se sentait avalée par le vide. Les principaux événements de sa vie défilaient tout aussi vite devant ses yeux, aussi décida-t-elle de les fermer. Elle voyait la mort approcher...

Soudain, alors qu'elle pensait que la chute était inévitable, qu'elle se serait écrasée sur une roche, elle se sentit rattraper par des bras puissants.

Les frères de la Nuit - 1 - L'appât Du DésirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant