J'appréhende cette journée autant que je la désire.
Mon deuxième jour de travail.
Après des débuts dévastateurs, des prises de bec insensées et des regards froids comme un blizzard en plein hiver, mon patron m'a fait la plus ignoble des déclarations... Oui, le mot est mal choisi. C'était plutôt la plus incongrue des propositions. Ce qui me bouleverse davantage, c'est que son discours si cru m'a fait un incroyable effet, ce que je n'ai même pas osé avouer à ma meilleure amie. Et comment aurais-je pu ?
Oui, travailler chez Carter-Média me plaît !
Non, je ne veux absolument pas m'en aller !
Mais avouez quand même que la situation est devenue...compliquée. Voilà que mon Iceberg d'employeur fait naître en moi des fantasmes indescriptibles, et pour couronner le tout, il m'annonce de but-en-blanc qu'il a envie de me b... Je ne peux pas le formuler, alors que je me rends au travail, et que je vais être amené à croiser l'objet du délit ! Je n'arrive pas à imaginer la gêne entre nous aujourd'hui.
Ça suffit ! Tu vas te conduire en jeune femme responsable, faire fi de ce qui s'est passé, et te montrer sous ton meilleur jour, sans rougir, ou du moins sans dire de bêtises que tu regretteras pour le restant de tes jours. Après tout, il me suffit de mettre cette histoire sur le compte de l'alcool et de feindre qu'il ne s'est rien passé. Carter Lobs m'a dit au-revoir façon gentleman, et je suis rentrée chez moi. C'est aussi simple que ça.
Vous avez dit problème ? Je n'en vois aucun.
Je franchis l'énorme porte d'entrée avec un sourire que je conserve jusqu'à ce que je sois dans l'ascenseur. De nombreuses personnes accompagnent mon ascension, mais je n'y prête pas attention. Mon petit carton sous le bras, je salue mes nouveaux collègues de travail avec courtoisie. Je vois mon bureau d'un œil nouveau. J'ai passé mon dimanche à imaginer comment je pourrais me l'approprier : j'ai besoin de me sentir bien dans mon espace de travail.
Je sors le cadre photo de Cheyenne et moi, mon petit calendrier personnalisé, mon mug porte chance qui porte la légende "Le travail, c'est la santé!". Je les dispose sur mon bureau, agençant mes affaires délicatement, quand on frappe à ma porte. Malgré moi, je retiens mon souffle jusqu'à ce que le visage rieur d'Allen apparaisse. Soulagée, je lui souris et accueille ses félicitations avec joie. Nous échangeons quelques politesses avant de nous mettre en route pour la salle de conférence.
Je lui raconte mon émerveillement devant le Café français, l'enthousiasme du couple, et leur bonne disposition pour mener à bien le projet. Il acquiesce calmement, et m'avoue sa propre fascination pour l'immense fresque patricienne qui sublime le restaurant. Puis, il rit des Stevenson, et surtout des excentricités de Madame, qu'il semble bien connaître. Sa bonne humeur est communicative, et je l'accompagne volontiers.
— N'en répète pas un mot surtout, mais Carter a laissé échapper que tu avais été parfaite.
Au moment où ce dernier mot franchi sa bouche, je ne sais pas ce qui se passe au niveau de mes pieds, ou de mes jambes flageolantes, mais je m'étale en travers du couloir, remerciant le ciel d'être encore hors de vue du staff. Mon genou gauche tape douloureusement le sol tandis que ma jambe droite glisse sur le parquet comme si elle s'apprêtait à faire le grand écart. Endolorie, je cherche piteusement à me relever.
— Mon Dieu ! Tu ne t'es pas fait mal ? s'inquiète-t-il en me tendant une main chevaleresque.
Embarrassée, je me redresse tant bien que mal, et lisse ma robe. Je ramasse mon dossier et mon bloc notes hâtivement. Encore heureux que je ne me sois rien cassée !
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L'ouragan de ma vie
RomanceImaginez la femme la plus magnifique que vous n'ayez jamais vue ! Vous la voyez ? Vous êtes conquis, n'est-ce pas ? Très bien... Maintenant, imaginez-la, rouge comme une pivoine, qui bégaie, perd l'équilibre, et s'étale à vos pieds ! Voici Rose...