— Qu'entends-tu par là? Est-ce que ta tante va bien? demandé-je, inquiète.
Il soupire. Il semble las tout à coup, comme si le poids du monde reposait sur ses épaules, et je devine, que bien que je me sois totalement livrée à lui, il y a encore une farandole de choses qu'il passe sous silence. Il s'emporte parce que j'ai mes secrets, mais personne n'en conserve autant que lui... Mia, Kirsten... et qui d'autre encore?
— Nous allons devoir l'interner, lâche-t-il avec dégoût.
— Carter! m'indigné-je. Il y a forcément une autre solution!
— Elle a besoin d'une cure de désintox, Rose. Maintenant plus que jamais.
— Puisque apparemment, tu n'es pas adepte des relations exclusives et sérieuses, laisse-moi t'apprendre une petite chose. Dans un couple, c'est donnant donnant. Tu me demandes de tout te dire, tu exiges de tout savoir de moi, mais tu ne me racontes rien. Nous avions convenu qu'à chaque rendez-vous, tu me ferais une confidence, mais nos jeux coquins ont balayé cette belle promesse. Néanmoins - et j'insiste sur ce point - si tu veux qu'on soit une équipe, il va falloir que tu rattrapes ce retard! Oh! Et plus encore si tu veux que je t'aide à faire interner ta tante, explosè-je, rouge d'indignation.
Il baisse les yeux, et pour la première fois depuis que je le connais, je comprends qu'il est gêné, et même plus que ça. Il a honte, véritablement. Je connais ce sentiment, la sensation d'être sale jusque sous la peau, la hantise que notre réalité soit découverte et que l'on vous juge pour une seule petite et malheureuse erreur de parcours.
— Tu as déjà eu un aperçu des relations plus que conflictuelles entre mes parents, commence-t-il d'une voix éteinte qui me brise le cœur. Eh bien, sache que c'est une donnée constante dans ma famille. En fait, en ce qui nous concerne, ce mot n'a pas lieu d'être. Dans cette lignée, pas d'amour, pas de tendresse, me confie-t-il gravement, les yeux humides, puis grimaçants. Juste des mensonges, juste des manigances, seulement des scandales mis sous silence dans le but de manipuler les autres. C'est ça la réalité Lobs, Rose. Rien de mirobolant.
— Alors nous allons changer ça, tentè-je, pour m'opposer à l'expression de fatalité qui raisonne dans la tonalité sourde de sa voix.
Il se met à rire, mais les sons qui sortent de sa gorge ressemblent davantage à de gros et longs sanglots, même si aucune larme ne vient envahir ses joues blêmes.
— Ne sois pas si naïve, Rose, tu ne les changeras pas.
— Ce n'est pas de la naïveté, c'est de l'optimisme. Et je n'ai aucune intention de les changer. Je te parle de toi et moi. Nous allons former une belle et vraie équipe, comme tu l'as si sagement suggéré.
Ses lèvres plongent vers moi à la vitesse de l'éclair, et sa bouche s'écrase sur la mienne. Je savoure l'intensité de notre attachement l'un à l'autre.
— J'avais l'impression que tu étais proche de ta mère, affirmè-je tristement, en passant une main dans ses cheveux d'un noir de jais.
— C'est normal que tu ais eu cette impression. Feindre est devenu une deuxième nature. Et pourtant, je n'ai même pas le souvenir qu'elle nous ait jamais montré un quelconque attachement. Elle nous considère redevables et à son service.
Cette confidence me choque plus que toutes les autres. Ma maman était si tendrement aimante que j'ai du mal à imaginer qu'une mère puisse prendre en otage son propre enfant de cette manière, l'enfermer dans une tour d'ivoire pour faire de lui un pion. L'amour d'une mère pour son enfant n'est-il pas censé être inaliénable, plus fort que tout?
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L'ouragan de ma vie
RomanceImaginez la femme la plus magnifique que vous n'ayez jamais vue ! Vous la voyez ? Vous êtes conquis, n'est-ce pas ? Très bien... Maintenant, imaginez-la, rouge comme une pivoine, qui bégaie, perd l'équilibre, et s'étale à vos pieds ! Voici Rose...