Les journaux n'ont pas manqué de relater ma déconfiture publique dans l'univers médiatique de Carter-Média, mais ils ont quand même - majoritairement - dépeint mon nouveau poste au sein de Millénium2000 comme un majestueux pas en avant. Je ne suis pas aussi enthousiaste qu'eux, et mes responsabilités sont moindres, mais je m'acquitte de ma tâche du mieux que je le peux.
Cheyenne est revenue parmi nous et a repris sa vie de bohème en nonobstant de ne pas savoir que mon ancienne colocataire est en couple avec celui qu'elle considère comme l'homme de sa vie. J'ai renoncé à tenter de lui faire entendre raison. De mon côté, je n'ai aucune nouvelle de Carter. Ce silence me pèse davantage que ma récente perte d'emploi, ma dernière rencontre avec Mike Margulies, ou ma peste de sœur revenue dans ma vie.
L'un m'a fait comprendre avec une malveillance accrue que je serais toujours à sa botte, et que Spencer Mathis était encore un plus gros poisson que Carter Lobs. L'autre se plaît, comme à son habitude, à se réjouir de ce qu'elle appelle mon humiliation publique, et à s'en lécher les babines, littéralement. Elle se délecte de ma tristesse avec tellement de hargne que j'en arrive à me demander si nous avons réellement la même mère.
Bien évidemment cette dernière me manque particulièrement. J'ai l'impression que d'une certaine façon, Carter comblait le vide qu'elle avait laissé dans ma vie. De toute évidence, ce n'est plus le cas. Je suis chaque jour terrifiée par ce silence entre nous, et je ne peux m'empêcher de m'imaginer le pire. Je crois aussi que toute la confiance en moi gagnée ces derniers temps s'est enfuie en courant.
Résultat: les réunions du matin sont un calvaire sans nom. Je rougis, je bégaye, je tremble. C'est désespérant. Si le reste du monde a des doutes sur mon départ de Carter-Média, les employés de Millénium-2000 doivent se dire que je suis une catastrophe ambulante! Je suis une petite chose lamentable qui ne peut pas vivre sans le soutien d'un homme dans sa vie, c'est vous dire!
— Bonjour Rose, me salue Spencer, qui s'approche de sa démarche claudicante.
— J'ai l'impression que tu frétilles, me moqué-je gentiment, sachant qu'il va se poser devant moi, et me faire la leçon.
Je connais son discours par cœur. Tu es une femme forte et intelligente Rose, qui a déjà traversé beaucoup. Bla-bla-bla... Mais contre toute attente, il parvient encore à me surprendre.
— Tu veux que j'aille casser la gueule à ce gamin prétentieux? demande-t-il.
— De qui parles-tu? rétorqué-je.
— De Lobs, bien sûr! souffle-t-il à mon oreille pendant que les autres employés arrivent et s'installent dans un silence pesant.
Les sourires et mots de bienvenus qui accompagnaient mes matins à Carter-Média n'existent plus. Bienvenus coups-bas, concurrence déloyale et regards constipés!
— ça va aller, Spencer, réponds-je, amusée. Mais merci.
— Je peux aussi m'occuper de la mère! affirme-t-il, avec un regard entendu.
— Pourquoi lui en veux-tu? Je t'ai expliqué ce qu'il en est et...
Il hausse un sourcil et me contemple, apparemment surpris par ma réaction. J'en veux à Carter bien évidemment. Mais il m'a demandé deux semaines, et même si cela est pesant au point de m'empêcher de dormir la nuit, je les lui accorde. Perdue dans mes pensées, la voix ténue de mon nouveau patron me rappelle implacablement que la réunion a déjà commencé. Après tout, je n'ai plus qu'une semaine à tenir. C'est-à-dire sept jours, soit cent soixante-huit heures.
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L'ouragan de ma vie
RomanceImaginez la femme la plus magnifique que vous n'ayez jamais vue ! Vous la voyez ? Vous êtes conquis, n'est-ce pas ? Très bien... Maintenant, imaginez-la, rouge comme une pivoine, qui bégaie, perd l'équilibre, et s'étale à vos pieds ! Voici Rose...