Chapitre 29. Rien ne va plus.

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Passer la soirée avec ma meilleure amie m'a fait beaucoup de bien. Depuis que nous nous sommes rencontrées, du haut de nos six ans, nous ne nous sommes jamais quittées. Elle est ma béquille quand je ne peux pas marcher, et je suis son asile quand elle est gagnée par la déprime. Et oui! Cela arrive!

Néanmoins, Cheyenne est toujours pleine de ressources! Elle sait toujours quoi dire ou quoi faire. Décrivez-lui n'importe quelle situation, n'importe quel imbroglio, elle vous démêlera les nœuds desquels vous tentez de vous extirper! Nos sujets tabous en sont une preuve notoire, noyés dans un dédale de souvenirs douloureux.

Comme une idiote, j'attends vainement que mon téléphone ne sonne ou que Carter ne m'envoie un texto. En vain. Quand je finis quand même par m'endormir à une heure du matin, je me réconforte en me disant que ce soir, je dinerai au café français avec lui. C'est dans ce décor de rêve qu'il a perdu son célèbre self-control et m'a livré le fond de sa pensée, la toute première fois.

*

Un jour nouveau se lève, mais contre toute attente, je n'ai aucune envie de décoller du lit. Je me force  à mettre un pied devant l'autre, péniblement. Une demi-heure et je suis prête. Aujourd'hui, pas de pression lorsque je me mets en route. Je découvre trois appels manqués, et une joie soudaine éclate au creux de mon estomac, qui retombe très vite lorsque je m'aperçois qu'il s'agit d'Harold.

Il me faut encore une demi-heure pour arriver au boulot.

Carter-Média est encore une fois très agitée, et je comprends pourquoi quand j'entends des cris hystériques. Dans la famille Lobs, je demande le père! Ce sympathique personnage plisse les yeux quand il me voit, et me prend littéralement en chasse. Il continue de me suivre obstinément dans la dédale de couloirs qui mènent à mon bureau. Que puis-je faire d'autre à part lui ouvrir ma porte ?

— Vous allez mettre un terme à cette...

— Bonjour à vous aussi, le coupé-je. Cette ?

— Cette stupide relation! Mon fils n'a que faire de vous, il a un avenir tout tracé, et vous, vous n'êtes qu'une nouvelle distraction.

Je lui fais un sourire forcé si hargneux que j'ai l'impression que les traits de mon visage vont rester figés, tels quels.

— J'ai beaucoup de travail, Monsieur Lobs, donc si vous avez fini, je vais vous demander de partir, rétorqué-je en ouvrant tout grand la porte de mon bureau.

Il se plante en face de moi, si près qu'il me met mal à l'aise. Il a mauvaise haleine, et je crois qu'il empeste l'eau de Cologne. Les traits de son visage sont étirés par la fatigue, et des cernes maculent ses yeux d'un noir de jais. Curieusement, je n'y lis aucune colère. J'ai même presque l'impression d'y déceler de la pitié.

— Vous croyez que vous avez gagné, hein? demande-t-il d'une voix douce. Mais vous avez tout faux. Carter se lassera de vous comme ça a été le cas pour toutes les autres. D'ailleurs, je vous parie que sa mère est déjà en train de le travailler au corps.

— Je vous demande pardon? grimacé-je.

— Détendez-vous, mon ange, ce n'est qu'une image. Voyez-vous, Cécilia ne supporte pas l'idée que ses fils puissent trouver réconfort et bonheur dans les bras d'une autre femme. Vous croyez que le retour du petit baragouineur d'avocat est une coïncidence? Elle opère dans l'ombre, et elle s'arrange toujours pour faire porter le chapeau aux autres... Carter finira par vous abandonner, parce qu'elle s'est arrangée pour avoir ses fils sous sa coupe. Savez-vous qu'ils avaient dîné ensemble hier soir? Sauvez-vous pendant qu'il est encore temps, m'avertit-il.

L'ouragan de ma vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant