17.

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Après notre repas, Carter et moi errâmes dans Portland. Il n'était venu que deux fois et, à chaque fois, il était passé en coup de vent. Les grandes villes le mettait mal à l'aise. Trop de monde, trop de risques, trop de regards.

Je compris vite qu'il y avait plus à Carter que ce qu'il n'y paraissait. Que ce qu'il ne laissait paraître. Il demeurait des parts d'ombre qu'il ne semblait pas tenir à révéler. J'étais prête à parier que c'était en rapport avec sa famille, son manque de croyance passé.

Je l'emmenai dans des endroits calmes de Portland, lui faisant prendre l'aéro-tram, plutôt vide à cette heure. Le sujet de ce qu'il se passait à Bloomingdale fut totalement abandonné et, pendant l'espace de quelques heures, nous ne fûmes que deux amis découvrant une ville.

La soirée arriva presque trop tôt à mon goût. Carter allait devoir repartir. Nous regagnâmes sa voiture, qu'il avait laissée devant le restaurant de Gordon.

- Je vais commencer les recherches dès ce soir. Tenter de remettre la main sur la prédiction de mon arrière-grand-mère aussi. On ne sait jamais, ça pourrait être utile.

J'approuvai d'un signe de la tête, mon sourire se fanant à l'idée de la nuit que je risquais de passer. Il se rapprocha de moi, posa sa main sur mon épaule.

- Si tu as besoin, tu peux me rappeler cette nuit, d'accord ?

- Merci, Carter.

Il ne répondit que par un sourire éclatant.

Menteur mais destiné à me rassurer. Ses yeux, eux, vendaient le mensonge de son sourire. Ils étaient angoissés. Il ne savait pas le cacher.

- Ça va aller, assurai-je, plus brave que je ne l'étais vraiment. Ça ne peut pas réellement me faire de mal. Ce n'est qu'un rêve, après tout.

- Je suppose, dit-il, hésitant.

Il ne souleva pas le sujet de mes bleus et je lui en fus reconnaissante. Nous avions tous les deux besoin de croire que rien ne se passerait cette nuit. Rien de grave, en tout cas.

- Je fais les recherches et je te tiens au courant, d'accord ?

- D'accord. Je vais voir Jenna demain, avant de revenir sur Bloomingdale. On verra ce qu'elle dit.

- Je passerai demain soir chez toi et on réunira nos possibles découvertes.

- Pas de soucis. Mais essaie d'apporter le dîner, je doute d'avoir quoi que ce soit à manger.

Il rit.

- Je ferai ça. Allez, à demain soir, Yvana.

- Fais attention sur la route.

Il m'envoya un clin d'œil en montant en voiture. Sa portière claqua, le moteur ronfla, la radio résonna. Un signe de la main plus tard, il se glissa dans le trafic et disparut.

Je rentrai chez mes parents à pied. Ils étaient de retour de chez leurs amis et la cuisine embaumait les épices. Je rejoignis ma mère pour voir ce qu'elle préparait.

Deux poêles grésillaient sur les plaques vitro-céramique. Dans l'une, des courgettes, des carottes, des aubergines baignaient dans une épaisse sauce sentant le curry. Dans l'autre, deux larges pièces de poulet commençaient à roussir.

- J'ai cuit le poulet à part pour que tu puisses manger du curry avec nous, me dit-elle.

- Merci.

- Ça a été, ta journée ? On t'a aperçue en bonne compagnie.

- Ah oui ?

Et mince. Ils m'avaient vue avec Carter. Ça n'annonçait rien de bon. Je voyais déjà venir les questions qui me feraient rougir comme une collégienne. Comme Lila, mes parents risquaient fortement de croire qu'il y avait quelque chose entre Carter et moi. Ce qui n'était pas le cas. Nous nous entendions bien. Il comprenait ce qu'il se passait. Il ne me prenait pas pour une folle. Au delà de ça... Nous n'étions rien d'autre que des amis.

Le Secret de St John'sOù les histoires vivent. Découvrez maintenant