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Lila et Louis eurent peur. Pas pour la raison attendue. Plutôt parce qu'ils ne surent pas me réveiller une fois garés devant chez moi. J'avais tellement besoin de sommeil que j'avais dormi toute l'après-midi et toute la soirée dans leur voiture. J'étais endolorie de partout à mon réveil, courbaturée de tous les côtés.

- Il me semble qu'il y a beaucoup de choses que tu nous caches, Yvana London, gronda Louis, les bras croisés sur sa poitrine. Et je n'aime pas ça du tout.

Je me sentis honteuse. Je n'osai plus le regarder en face. Il savait que je leur cachais des choses. Je ne pouvais plus leur mentir. À moins de trouver le mensonge le plus élaboré au monde, ils verraient à travers sans aucun mal. Ils me connaissaient trop. Et ils seraient furieux que je tente encore de leur mentir.

J'avais besoin de mes amis. D'un peu de normalité. Au delà de ça, je ne voulais pas qu'ils se mêlent de cet enfer qui était le mien. Ils n'avaient pas à risquer quoi que ce fut pour m'aider. S'ils me croyaient. Et je doutais qu'ils le fassent. Mon histoire était complètement folle. Ils avaient beau être mes meilleurs amis, ils ne me croiraient jamais. Lila pourrait envisager l'hypothèse mais pas Louis. Lui ne croirait pas un traître mot de ce que je pourrais raconter.

- Qu'as-tu à nous dire, Yvana ? insista-t-il sèchement. Et ne prétends pas que tout va bien. Nous ne sommes pas idiots.

Ses yeux étincelaient, acérés. Non, le mensonge n'était pas une option. Il le détecterait aussitôt. Un coup d'œil vers Lila m'assura qu'il en allait de même pour elle.

- Je suis désolée. Sincèrement. Je voudrais pouvoir tout vous dire.

- Pourquoi ne pourrais-tu pas ? s'exclama Lila, outrée. Nous sommes tes amis, enfin !

- Je sais. C'est justement pour ça que je ne peux pas. Je ne veux pas vous mêler à ça.

- À quoi ? Qu'est-ce qu'il se passe, Yvana ?

Je levai un regard surpris vers Louis. Cette voix douce, inquiète... C'était rare de voir ce côté de lui. Celui qui s'inquiétait, qui se posait des questions, qui se préoccupait de ses amis, de sa famille. La partie sensible qu'il enterrait sous son allure d'homme blasé et jaloux.

Il vint s'asseoir à côté de moi. Je posai ma tête contre son épaule et il passa son bras autour de moi. Je demeurai silencieuse. Je ne voulais pas leur dire.

- Quoi qu'il se passe, nous seront là pour toi, jura Lila, me regardant droit dans les yeux. Alors dis-nous ce qu'il t'arrive. Tu nous inquiètes. Déjà le fait que tu partes à l'improviste chez tes parents nous a paru étrange...

- Je voulais m'éloigner, avouai-je sans trop réfléchir.

- Pourquoi ? Tout le monde t'adore pour ce que j'en sais. Tu as encore du mal à t'intégrer ?

Je tentai de résister mais le désarroi de Louis me faisait faiblir. Je n'étais pas habituée à ce qu'il se préoccupe de moi ainsi. Il fallait admettre que, d'ordinaire, je n'étais pas celle qui pose problème. C'était plutôt le rôle de Lila.

- Non, loin de là. J'adore Bloomingdale. C'est... autre chose. C'est compliqué et je ne veux pas vous entraîner là-dedans.

- Tu n'as pas à nous protéger, Yvana, répliqua Lila, comme vexée. Tu peux nous parler. Je n'aime pas l'idée que tu tentes de te débrouiller toute seule alors que nous sommes là.

- Je ne suis pas toute seule.

- En plus ! Qui sait ?

Elle était vexée. En colère, aussi. Me faire gronder par ma mère me donnait le même arrière-goût amer dans la gorge.

Le Secret de St John'sOù les histoires vivent. Découvrez maintenant