Je regardai Carter. J'avais mal à la tête. Le cœur en déroute. Froid.
J'avais vraiment froid.
Je regardai autour de moi. Le salon de Louis me semblait étrangement distant. Les murs s'éloignaient et se rapprochaient à la façon de pistons. Un voile grisâtre me couvrait la vue. Je tendis un bras lourd vers le plaid qui gisait sur un accoudoir du canapé.
Je tressaillis lorsque Carter me le prit des mains pour me l'enrouler autour des épaules. Je serrai les pans entre mes doigts, maintenant le plaid serré, m'enveloppant au mieux dedans.
Je ne parvenais pas à digérer toute l'histoire de Carter. Ni à y croire. Toutefois, j'étais coincée sur ses derniers mots. Ils tournaient en boucle dans mon crâne. Ils avaient remplacé la litanie concernant l'assassinat de ma meilleure amie.
Je ne savais pas ce que j'étais censée ressentir. Avoir le cœur battant à tout rompre, faisant des saltos dans ma poitrine... Ce n'était pas correct. Pas quand c'était parce que l'assassin démoniaque de ma meilleure amie me disait qu'il m'aimait.
Je me pris la tête entre les mains, abandonnant le plaid. Je donnai un grand coup d'épaule à Carter lorsqu'il tenta de le réajuster autour de moi.
- Ne me touche pas.
Ma voix était encore difficil eet râpeuse de sa potion. Parler me brûla la gorge.
- Ne me parle pas sur ce ton, ma chérie. Je suis bien gentil d'attendre que tu te sentes mieux.
- Arrête de m'appeler « ma chérie ». Je ne suis pas ta chérie.
Il saisit mon visage et me força à le regarder en face. Je connaissais déjà tous ses traits. Son front haut, ses yeux bleus, les petites rides qui commençaient à apparaître aux coins de ses yeux, s'enfuyant vers ses tempes, son nez marqué d'une bosse, probablement cassé par le passé, ses pommettes ciselées, sa mâchoire volontaire, ses lèvres fines... Je connaissais tout ça par cœur.
Pourtant, en l'instant, ce faciès me semblait complètement étranger.
Pourtant, je continuais de l'aimer.
Au fond de lui, c'était toujours Carter. Il avait un problème. Rien de plus. Il se croyait possédé, immortel. Quelque part, après tout ce qu'il m'était arrivé, ça ne me paraissait plus aussi délirant que ça aurait dû. J'aurais même pu y croire s'il n'avait pas dit qu'il m'aimait. S'il n'avait pas dit ces quelques mots, j'aurais potentiellement pu croire son histoire délirante.
Je me levai, secouant la tête, serrant mes bras autour de moi. Sa main retomba sur ses jambes. Il ne me lâchait pas du regard. Ça m'angoissait. J'avais l'impression d'être une prisonnière sous le regard d'aigle de son geôlier.
- Je peux savoir ce que tu as ?
Je virevoltai vers lui, outrée et courroucée.
- Ce que j'ai ? criai-je. Tu oses me demander ce que j'ai après ce que tu viens de me raconter ?
- Je ne cesse d'oublier que tu n'as plus aucune mémoire de tes précédentes incarnations.
- C'est n'importe quoi ! Tu crois que je vais gober que tu es immortel et que je suis la réincarnation de celle qui t'a soi-disant rendu comme ça ?! C'est pire qu'un roman pour ados !
- Quelle preuve te convaincrait ?
Il était si calme, si posé ! On aurait pu croire qu'il parlait d'un projet d'école et pas d'un récit à dormir debout. Face à sa façade parfaitement composée, je me sentis excessive. Ma colère enfla comme un ballon prêt à exploser.
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Le Secret de St John's
ParanormalBloomingdale semble être un petit village simple, calme, inoffensif. En tout cas, c'est ce que pense Yvana lorsqu'elle emménage dans ce village d'Oregon, à quelques heures de Portland pour fuir la pollution qui la rend malade. Toutefois, elle ne pe...