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Seuls de faibles rayons lunaires parvenaient à traverser la crasse qui couvrait la petite fenêtre de la cave. Je ne distinguais presque rien. L'idée d'être enfermée dans une cave m'angoissait. Je n'aimais pas les lieux souterrains. J'avais la sensation d'être enterrée vivante.

Je regardai autour de moi, tentant de reconnaître quelque chose. Les murs étaient rudimentaires, en pierre bleue luisante d'humidité. Des caisses en bois étaient entassées dans un coin, la paille jonchait le sol par endroits.

Du bruit résonna derrière moi et je vis de petits pieds sales dévaler les escaliers grinçants. Une version très jeune d'Elizabeth, vêtue d'une chemise de nuit épaisse et blanche alla se blottir dans la paille, le visage maculé de larmes. Je la reconnus aussitôt. Son visage possédait encore les rondeurs de l'enfance et ce rose adorable sur les joues.

Elle se roula en boule lorsque d'autres pas, légers, presque félins, suivirent dans l'escalier.

- Lizzie ?

La voix était fluette, douce.

- Lizzie ? Où es-tu ?

La petite Elizabeth se redressa, faisant bruisser la paille sous elle. La jeune fille tourna la tête dans sa direction et s'avança prudemment. Elle finit par distinguer la frêle silhouette et elle s'installa à côté.

- Est-ce que ça va ?

Elizabeth renifla en hochant la tête. Elle se blottit dans les bras de son aînée qui la berça. Je fronçai les sourcils en voyant l'air moqueur qu'arbora la plus vieille.

- Tu sais que tu ne dois pas faire ça, Lizzie. Ce n'est pas bien. Tu nous mets tous en danger.

- Mais j'fais pas exprès !

- Chut ! Tu ne voudrais pas que papa t'entende, n'est-ce pas ?

La petite fille secoua furieusement la tête, ses cheveux emmêlés s'accrochant à ses cils de biche. Celle que je supposais être sa grande sœur essuya son visage sale et posa ses mains sur ses épaules.

- Tu dois apprendre, Lizzie. Tu dois te maîtriser. Tu sais ce qui est arrivé à maman, non ? Tu ne veux pas que ça nous arrive à toutes les deux, pas vrai ?

- Non, je veux pas... Mais... Mais j'arrive pas... Ça... Ça se fait tout seul !

Ce fut au tour de sa sœur de secouer la tête.

- Ça ne fait pas tout seul, Elizabeth. Tu ne le contrôles pas. Et tu dois le contrôler sinon, les gens dehors, les humains, ils vont nous faire du mal. Comme ils ont fait à maman.

Elizabeth se remit à pleurer. En silence. Elle devait à peine avoir huit ans mais elle pleurait en silence, les lèvres tremblantes sans un sanglot dans la gorge. C'était atroce à voir.

- Tu dois t'entraîner et faire mieux que ça, d'accord ? Tu dois travailler ta maîtrise, Lizzie. Il le faut.

- Mais j'essaie !

- Essaie plus fort, alors !

Sa sœur la repoussa et se leva. Elle épousseta soigneusement sa chemise de nuit.

- Reste ici cette nuit. Papa est furieux.

- Il fait froid...

- Si tu avais fait plus attention, tu pourrais dormir dans la chambre.

Sa sœur tourna les talons et partit, disparaissant dans l'obscurité. La petite Lizzie s'enroula sur elle-même dans la paille, transie de froid et de chagrin.

Qu'est-ce qu'il s'était passé qui puisse rendre un père assez furieux pour chasser sa petite fille dans une cave glacée ? Rien de ce que je pouvais imaginer ne serait suffisant. Toutefois, il me manquait des pièces du puzzle. Notamment sur la dénomination utilisée par la sœur d'Elizabeth. Pourquoi désignait-elle les « gens dehors » comme des « humains » ? Cela impliquerait qu'elle ne l'était pas.

Le Secret de St John'sOù les histoires vivent. Découvrez maintenant