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Mes parents vinrent me voir à l'hôpital. Ils me serrèrent dans leurs bras, s'inquiétèrent, me posèrent des milliers de questions que j'éludai au mieux de mes capacités. Je ne voulais pas qu'ils sachent que je leur cachais toute ma vie depuis mon arrivée à Bloomingdale.

Malgré les secrets qui me rongeaient de l'intérieur, j'étais heureuse qu'ils soient venus depuis Portland. Leur présence me rassurait, bien que je sache qu'ils ne pourraient rien pour me protéger. Je n'avais plus à craindre le démon, désormais. Elizabeth me l'avait assuré. Toutefois, il demeurait toute cette enquête et ces morts...

J'étais terrifiée à l'idée que la police se retourne encore contre moi. Contre Carter.

La nausée remonta, brûlant mon œsophage, lorsque je pensais à Carter. Je ne pouvais effacer l'image de lui, le couteau à la main, le visage constellé de tâches de sang, ses mains dégoulinantes... Il hantait mes cauchemars, plus terrifiant encore que le démon.

Mon cœur me fit mal à la pensée que je ne pourrais plus jamais faire face à Carter comme avant. Comment pourrais-je tenir ces mains qui avaient été couvertes du sang d'innocents ? Ce n'était pas de sa faute, il n'y pouvait rien mais l'avoir vu en pleine action... Je ne pouvais pas le supporter.

Je ne pourrais plus jamais le regarder dans les yeux sans repenser aux deux inspecteurs qu'il avait égorgés devant mes yeux.

Je levai la tête lorsque mon médecin entra dans la pièce. Il m'offrit ce sourire lumineux habituel qui me faisait irrépressiblement y répondre. J'ignorais comment il y parvenait mais ça ne manquait jamais.

Il s'assit au bord de mon lit tout en vérifiant mes constantes, une mèche blond vénitien lui frôlant la tempe.

- Il semblerait que tout aille comme sur des roulettes ! dit-il finalement, tournant cet incroyable sourire vers moi. Vous êtes officiellement en pleine forme.

Alors pourquoi continuais-je de me sentir comme si j'avais été piétinée par une armée de girafes ?

- Malheureusement, cela veut dire que je vais devoir laisser ces deux maudits inspecteurs entrer. À part si vous ne vous sentez toujours pas prête. Je pourrais encore les repousser un jour ou deux.

Je secouai la tête.

- Autant en finir tout de suite. J'en ai assez de les voir rôder devant ma porte de chambre, cherchant le moindre relâchement des infirmières pour entrer.

Il rit.

- Ils ne sont pas très discrets, pour des flics, pas vrai ?

Je souris, incapable de résister.

- Pas vraiment !

Son rire résonna dans la chambre même après qu'il fut sorti. C'était le médecin le plus sympathique et étrange que j'aie jamais rencontré mais je l'aimais bien. Il ne me donnait pas l'impression d'être coincée à l'hôpital en attendant que j'aille mieux, que les flics viennent me poser des questions sur la mort d'Iris et de leurs collègues.

Le pire fut que ça n'y manqua pas. Le docteur Slavinder avait quitté ma chambre depuis cinq minutes que les deux inspecteurs que j'avais vu rôder dans le couloir ouvraient la porte. Je haussai un sourcil en voyant leur air faussement bravache, le même que ceux que les adolescents arboraient lorsqu'ils contraient les ordres de leurs parents.

- Enfin, nous pouvons venir vous poser quelques questions, mademoiselle London ! s'exclama l'un des deux.

Il arborait un sourire amical et chaleureux mais ses yeux verts me scrutaient, assimilant chaque détail. Il allait m'analyser durant toute la conversation, cherchant la faille dans chacune de mes réponses, faisant grincer les rouages sous sa touffe de cheveux bruns sale.

Le Secret de St John'sOù les histoires vivent. Découvrez maintenant