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Un grincement. Subtil, à peine audible. Il me sortit de la torpeur dans laquelle j'étais tombée vers minuit. Ce n'était pas vraiment du sommeil, plutôt une forme de somnolence. J'étais perdue entre conscience et inconscience, mes sens fonctionnant toujours dans le monde réel, mon cerveau embrumé par un demi-rêve.

Je battis des paupières, revenant pleinement dans le monde sensible, concret. Il y avait un bruit récurrent, inhabituel. Comme une goutte d'eau tombant sur un seau en fer. Je ne parvenais à savoir d'où il venait.

Le plancher grinça dans le couloir. Je me raidis. Le bruit de goutte se répéta, plus clair, plus fort. Plus proche. Je me penchai hors de mon lit pour allumer la lampe de chevet.

L'ampoule explosa sous l'abat-jour.

Je retins un cri, le ravalant du mieux que je pus. Ce n'était rien. Un court-circuit ou quelque chose du genre. Rien de grave. Rien de surnaturel. Tout allait bien. L'interrupteur du plafonnier était juste à côté de la porte. En face de mon lit. Il suffisait que je fasse ces quelques pas dans le noir avant que je puisse y voir clair.

Je me redressai, repoussai mes couvertures. Après une profonde inspiration, j'avançai sur mon matelas. Il n'y avait pas de monstre sous mon lit. Il y avait plus de chance qu'il soit dans ma tête.

Un pied après l'autre sur le plancher glacé, les mains tendues, je cherchai ma porte. Mon cœur fit un bond lorsque le bois rêche apparut sous mes doigts.

Je tâtonnai à la recherche de l'interrupteur. Le plastique était gelé. Je frémis tout en appuyant sur le bouton. Les ampoules grésillèrent, diffusant de brefs éclats de lumière. Je parvins à distinguer ma chambre dans ces flashs lumineux, n'y trouvant rien de suspect mais à la fois, angoissée par toutes ces ombres.

Le hurlement de Louis résonna dans tout le cottage.

Mon sang se glaça, les ampoules explosèrent, faisant pleuvoir le verre acéré sur mon visage et mes bras. Je poussai un cri, mon dos percutant violemment la porte. La poignée s'enfonça entre mes côtes.

Le battant se mit à vibrer alors qu'une véritable cavalcade résonnait dans le couloir. Un troupeau de chevaux galopait derrière le mur, faisant un bruit assourdissant, me paralysant de terreur.

Louis cria à nouveau depuis sa chambre. Cette fois, de douleur. Ce n'était pas normal. Ça n'était jamais arrivé. La souffrance n'avait jamais fait partie des phénomènes. Était-il tombé ? Les lumières avaient-elles explosé dans sa chambre aussi, le blessant ?

Mon cœur battait trop vite. Mon souffle se fit laborieux. Mes jambes flageolantes cédèrent. Je m'effondrai sur le parquet, tentant de me calmer, de me raisonner juste assez pour faire passer la crise.

J'ignorai combien de temps je demeurai ainsi sur le sol, en position fœtale. Le vacarme derrière ma porte était assourdi par le coton que j'avais dans la tête.

Des images commencèrent à danser devant mes yeux. La même colline que la dernière fois, sous l'orage, cette fois. La terre était boueuse. Le sentier était plus profond, longue ligne marron, humide au milieu de vastes étendues verdoyantes.

Pas encore... Je ne voulais pas revoir la mort de l'amant d'Elizabeth. La différence dans la météo me porta à croire que je n'assisterai pas à la même scène que la dernière fois.

Je me levai, surprise de sentir la terre humide sous mes doigts. Dans le dernier rêve, je n'avais pas senti la chaleur du soleil, la fraîcheur de la brise. Pourquoi, dans celui-ci, je sentais la pluie dans mes cheveux, le sol sous mes genoux ?

Regardant autour de moi, je distinguai au loin une ville en pleine évolution. Le paysage avait changé. L'arbre sous lequel s'étaient retrouvés Elizabeth et son amant n'existait plus. Il était couché dans l'herbe, débarrassé de ses branches.

Le Secret de St John'sOù les histoires vivent. Découvrez maintenant