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Je ne réussis pas à en parler. Ni à Carter, ni à Lila. Je notai tout dans un cahier, en détails. Chaque seconde de cette nuit d'horreur. Tout ce dont je me souvenais, même les détails les plus inutiles pourraient peut-être se révéler utiles au final.

Toujours était-il que je gardais le silence sur ce qu'il s'était passé. Rien de tel ne survint à nouveau, me faisant presque croire que tout n'était qu'un très long et très complexe cauchemar. Toutefois, les blessures sous mes pieds contraient cette version de mon esprit.

C'était bel et bien arrivé et aucun tour de mon cerveau ne pourrait l'effacer.

Le week-end arriva et j'eus de la chance. Lila et Louis devaient partir sur Portland pour fêter l'anniversaire de mariage des parents de celui-ci. Je n'aurais pas de visite impromptue de ma meilleure amie.

Mon seul problème était Carter. Aussi bizarre que cela soit. Il avait vu que je montrais fuyante. Que je mentais à tout va. Notamment sur ce qu'il se passait à St John's. Le froid, les portes qui claquent, les pas au grenier...

Je commençais à comprendre pourquoi Jenna avait fait une crise de nerfs et avait fui la ville. Ce que je ne comprenais pas, c'était pourquoi ça tombait sur moi. Sur elle. Ginny, Michelle, Judith, Holly, Carter, Andrew... Aucun d'eux n'était affecté. Alors pourquoi Jenna et moi vivions-nous cela ?

Je devais la revoir.

Dans le bureau, j'avais accès aux dossiers de tout le personnel, passé et présent. Il me suffit de trouver celui de Jenna et j'y trouvai son adresse et son numéro de téléphone. L'école devait obligatoirement avoir une copie de son contrat d'embauche et dessus, il y avait au moins son adresse. Ca serait sûrement la seule fois où je serais bien contente d'être secrétaire à St John's...

Je ne voulais pas passer tout le week-end seule dans le cottage. Les phénomènes ne s'étaient pas répétés mais mes nuits étaient hantées par des cauchemars de plus en plus horribles et je n'y tenais plus. J'étais si fatiguée que mes journées étaient une suite sans fin de moments flous et embrouillés.

Il me fallait m'éloigner de Bloomingdale au moins un week-end. Rien que pendant deux jours. C'était l'occasion de retourner sur Portland. Si mes parents ne me laissaient pas dormir chez eux, je savais que je pouvais aller chez la grand-mère de Lila. Il me suffirait de lui raconter une partie de l'histoire pour qu'elle me laisse rester.

Je me fis un sac, verrouillai le cottage et rejoignis la voiture de Lila et Louis qui était garée devant. Ils avaient parus surpris que je leur demande de me déposer chez mes parents mais ils avaient accepté que je fasse le trajet avec eux.

- Pourquoi cette soudaine envie d'aller voir tes parents ? me demanda Lila, à moitié à genoux sur son siège pour me regarder.

Je haussai les épaules.

- Comme ça. Tu sais que je n'aime pas rester fâchée avec les gens qui comptent pour moi.

- Tu les as prévenus, au moins ?

- Pas vraiment. S'ils s'attendent à me voir débarquer, ils auront le temps de prévoir un joli discours pour maintenir la hache de guerre en l'air. Tu connais ma mère, après tout. Si tu lui donnes le temps de réfléchir, elle peut être un vrai démon.

Un frisson glacé dévala mon échine lorsque le dernier mot résonna dans l'habitacle, par-dessus la musique de Louis. Heureusement, aucun de mes deux amis ne s'en rendit compte.

- Tu n'as pas tort mais tout de même. Et s'ils ne sont pas là ? Ils avaient parlé de voyager, la dernière fois.

- On sait toutes les deux qu'ils n'en feront rien. Ils sont casaniers. Ils ne bougeront pas de leur maison.

Le Secret de St John'sOù les histoires vivent. Découvrez maintenant