29.

702 91 36
                                    

Le courant revint tout seul vers cinq heures et demie du matin. Je n'eus même pas à descendre à la cave pour remettre de nouveaux fusibles. J'aurais bien pris ça pour un signe si je ne me souvenais pas de ce que m'avait promis ça.

Je me hissai jusque dans ma chambre pour prendre de quoi me changer et gagner la douche. Il était venu me dire ça et était reparti. Sans rien faire de néfaste. Sans me toucher, sans me traîner avec lui en enfer.

Il n'avait pas eu besoin de le faire. Me laisser en plan comme ça était encore pire. Il s'en doutait. C'était pour ça qu'il l'avait fait. Pour me torturer. Pour que je me triture l'esprit, que j'aie peur de mon ombre, que j'attende qu'il agisse. Qu'il me frappe en plein cœur sans que j'ai le temps de le voir, à l'image de l'orage de cette nuit.

Carter arriva quelques heures plus tard, me découvrit avachie sur la table de ma cuisine. Trop fatiguée pour aller lui ouvrir la porte d'entrée, je lui avais crié d'entrer par derrière. Il y avait bien moins de pas à faire.

- Ça a recommencé, n'est-ce pas ?

Nous en étions là. Plus de saluts nécessaires avant d'entrer dans le vif du sujet. Non, maintenant, il passait le seuil et m'envoyait la réalité à la face, semblant croire qu'elle n'était pas déjà assez pesante.

- Tu as tout compris.

- Je suis désolé.

- Ce n'est pas de ta faute.

- Je me sens responsable malgré tout.

- Ça ne sert à rien.

Il se servit un café, familier avec ma cuisine. Il faisait comme chez lui et je n'en conçus pas vraiment de plaisir. Ce n'était pas pour les bonnes raisons qu'il pouvait agir ainsi.

Il vint s'asseoir à côté de moi, passa un bras autour de mes épaules. Je cédai, appuyant ma tête contre son épaule. J'avais besoin de ce réconfort. Tout mon être hurlait, demandant un peu de repos, de bonté, de paix. Et Carter m'apportait justement ça. Qu'il soit sûrement possédé par un mauvais esprit ne m'importait pas. Je m'en fichais.

Il était là, il me serrait contre lui. C'était paisible, rassurant. C'était tout ce qui comptait. Le reste n'était que fioritures.

- On ferait mieux d'y aller, soupira-t-il en posant sa tasse sur la table.

- Probablement...

Il me jeta un regard rapide, interrogateur.

- Je t'aurais crue plus enthousiaste à l'idée de fuir cette maison.

- Ici ou là-bas, ma vie est un enfer. Ici, je suis hantée, là-bas, j'ai une harpie sur le dos.

Son sourcil se haussa tellement qu'il disparut sous une mèche indisciplinée. Sans réfléchir, je la replaçai. Je dus rougir sous ses yeux étonnés par la spontanéité de mon geste.

- Je parle de Holly, précisai-je, comme si de rien n'était. Elle n'est pas ravie que tu me portes de l'attention.

- Si je ne faisais que te porter de l'attention, elle s'en moquerait.

Ce fut à mon tour de le regarder avec les sourcils haussés.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

Il haussa les épaules, claquant sa portière sans répondre. Je le suivis à l'intérieur de la voiture, décidée à obtenir une réponse. Mon cœur n'allait pas dérailler pour rien, aujourd'hui. Je n'avais pas envie de me faire des idées sur une phrase sibylline qui allait me hanter toute la journée.

Le Secret de St John'sOù les histoires vivent. Découvrez maintenant