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Je n'eus pas le temps de réagir qu'une main était plaquée sur ma bouche. Je voulus crier ; ça n'eut aucun effet. Je tentai de me redresser, de me débattre mais le bras appuyé sur mon torse me plaquait résolument contre le matelas.

- Calme-toi !

C'était la voix de Louis. Surprise, je me figeai. Il retira sa main et arrêta d'appuyer sur le haut de mon corps. Je me redressai comme un diable jaillit hors de sa boîte et lui donnai le plus gros coup de poing dans l'épaule dont je fus capable. Il cria, se massa l'épaule en jurant.

- Bordel mais t'es tarée !

- Je pourrais en dire autant de toi ! Depuis quand tu entres en douce chez moi ?! Tu n'aurais pas pu frapper ou téléphoner ?

- Non. Tu es surveillée. Il y a ce mec qui est garé devant chez toi et qui fixe ta maison.

- Qui ça ?

- Il fait trop noir pour que je sache.

Je me levai et m'enroulai dans ma couverture avant de gagner la fenêtre. Une voiture était bien garée dans mon allée. De ma chambre, j'étais incapable de reconnaître le véhicule.

Je me tournai vers Louis.

- De toute façon, qu'est-ce que tu fais ici à une heure pareille ? l'apostrophai-je.

Il tira les rideaux sans répondre tout de suite. Je retournai me blottir dans la chaleur de mon lit, patientant le temps qu'il rassemble ses pensées ou qu'il se décide simplement à me parler.

- Tu dois te réveiller, Yvana, dit-il finalement dans un soupir. C'est maintenant ou jamais. Ça a duré assez longtemps.

- De quoi est-ce que tu parles ?

- Tu le sais. Au fond de toi, tu le sais. Tu refuses juste de faire face à ce qu'il se passe.

- Depuis quand tu te la joues cryptique ? Tu ne peux pas me dire directement de quoi tu veux parler au lieu de faire comme tous les autres et de me forcer à te tirer les vers du nez ?

- Tant que tu ne seras pas décidée à voir la vérité en face, je ne pourrais pas en parler.

- Tu te rends compte que ça ne veut strictement rien dire ? Pourquoi ne pourrais-tu pas me dire ce que tu as à dire juste parce que, soi-disant, je me voile la face ?

Il soupira et se passa une main nerveuse dans les cheveux. Il s'adossa au mur, la bouche entrouverte, cherchant ses mots. Je l'observai, vis son désarroi, son envie de dire les choses sans pouvoir le faire. Il y avait ce conflit douloureux dans son regard qui me fit mal.

- Je ne peux pas le dire, Yvana. Pas tant que tu n'es pas prête à l'accepter.

Il sortit sans attendre ma réponse. Je l'observai faire, ahurie. Ça, ça ne lui ressemblait pas. Sur son visage, j'avais lu cette envie dévorante qu'il avait de me secouer comme un prunier. Pourquoi ? Que pouvais-je nier pour qu'il s'énerve contre moi à ce point ?

Je me résignai à sortir de mon cocon de chaleur pour suivre Louis au rez-de-chaussée. Je le trouvai assis dans le noir sur le canapé. Il leva la tête vers moi lorsque je m'installai à côté de lui. Une supplique silencieuse luisant dans ses yeux. Une plainte secrète qui l'emplissait d'une souffrance infinie.

Je posai une main sur son bras pour le réconforter mais il la repoussa brusquement en s'éloignant de moi. J'en fus blessée et choquée. Pourquoi réagissait-il ainsi ? Jamais encore il ne m'avait ainsi repoussée, rejetée. Mon visage me brûla et je fus heureuse qu'il fasse trop noir pour qu'il le voie.

Le Secret de St John'sOù les histoires vivent. Découvrez maintenant