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J'ai rencontré Elizabeth à un bal. Elle était magnifique et rayonnait dans sa robe pastel. J'étais encore jeune et mon père m'avait inculqué le désintérêt pour les choses du cœur. Mais il fallait que je me marie. J'étais son héritier direct alors il me fallait une femme de bonne famille. Je ne pouvais pas choisir n'importe qui, tu comprends ? Pas en étant le fils d'un influent politicien.

J'ai attendu donc le troisième bal pour lui demander une danse. C'était l'attitude la plus correcte et mon père se flattait de mon comportement exemplaire. Il a suffit de ça pour que l'on commence à se voir régulièrement et qu'elle développe un attachement débordant pour moi. Un attachement qui, évidemment, n'avait rien de réciproque. Je me moquais d'elle comme de ma première couche. Elle n'était qu'un moyen d'asseoir mon héritage futur et ma place dans le monde.

Elle était toujours si vive et joyeuse, le pas sautillant, le sourire aux lèvres. Elle était rayonnante. C'était ce qui faisait d'elle la plus belle fille de cette saison. Tous les hommes voulaient danser avec elle, tenter de la corrompre pour l'épouser. Mon côté froid et dépourvu de toute passion la fascinait et elle s'était donné pour mission de me changer. De me faire tomber follement amoureux d'elle, de réchauffer mon cœur de glace.

Elizabeth était peut-être superficielle et exubérante mais elle étaiti ntelligente. Bien plus qu'elle n'y paraissait. Elle était douée pour obtenir ce qu'elle voulait. Elle avait l'art de la manipulation dans le sang. Elle m'a changé, c'est certain. Seulement, pas comme elle le désirait. Elle usait si souvent de manipulation que c'était devenu une seconde nature pour elle même si, à ce temps-là, elle la maîtrisait encore assez mal avec les politiciens comme mon père et moi.

C'est pour ça qu'elle a réussi à tromper autant de monde aussi longtemps. Il en a été de même pour moi. Je n'ai rien su voir avant qu'il soit trop tard, j'étais trop jeune et pas assez préparé. Ou peut-être trop. Je n'aurais jamais cru que c'était possible. J'étais très cartésien à cause de l'éducation rigoureuse et stricte de mon père. Je voyais le monde en noir et blanc. Elizabeth elle-même n'était pas en couleur.

J'étais jeune lorsque j'ai commencé à tourner autour d'Elizabeth. Ignorant. Elle était belle, gracieuse et populaire. J'étais superficiel et poussé par la volonté de mon père. Elle a dû remarquer que j'étais idiot et que je sous-estimais beaucoup les femmes. Je n'avais aucune idée qu'elles pouvaient ainsi influer sur un destin. Mon père a toujours traité ma mère comme la dernière des idiotes et les femmes que j'ai connues à ce temps-là n'étaient clairement pas des lumières non plus.

Vers la fin de la saison, j'ai demandé la main d'Elizabeth. J'ai tenté ma chance. Je n'étais pas fou amoureux, loin de là. J'étais trop imbu de moi-même et elle n'était qu'une belle femme. Mon père me poussait à la demander en mariage alors je l'ai fait. Bête et discipliné que j'étais, j'ai obéi à mon père. Il me disait que j'avais besoin d'une femme comme elle pour faire fructifier son empire politique lorsqu'il me le céderait.

J'ai rencontré ses parents, leur ai demandé la permission. Ils ont accepté. Ce n'était pas une surprise. La famille d'Elizabeth n'aurait pas choisi moins qu'un fils riche pour leur fille. Le père était un industriel alors il attendait un certain standing de son gendre.

Bref, il ne me restait plus qu'à faire ma demande à Elizabeth. J'avais tout prévu. Je l'emmènerai dans les jardins lors du dernier bal de la saison et je lui dirais de m'épouser. C'est exactement ce que j'ai fait. Elle m'a dit oui, je l'ai embrassée. C'était froid, sans effet. Une énième chose que je devais faire parce que c'était ce qu'on attendait de moi. L'embrasser me répugnait.

Nous avons annoncé à tout le monde que nous allions nous marier, nous avons fait une grande réception pour fêter la nouvelle. Bref, rien que de l'habituel, en ce temps-là.

Le Secret de St John'sOù les histoires vivent. Découvrez maintenant