Chapitre 1

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La nuit tombe, accompagnée d'un froid toujours plus glacial.
Je marche d'un pas soutenu, laissant des empreintes dans la neige. Mes mains sont plongées au fond de mes poches, recherchant un peu de chaleur.
De petits flocons tombent sans trève devant mes yeux, s'accrochant sur mes longs cils.
Le cou rentré dans les épaules pour me protéger du froid, je force le pas pour rentrer plus vite.

J'ai vécu toute ma vie ici, dans cette ville perdue au milieu de nul part, coupée du monde, où il neige presque tous les jours de l'année.

Bienvenue à Nanttily.
Bienvenu dans mon monde.

Vous vous demandez sûrement qui je suis ? Étant légèrement schizophrène sur les bords, je vais vous le dire. Je m'appelle Gwenn.

Gwenn signifie blanc en celtique.
Blanc comme la neige, blanc comme mes cheveux et ma peau.
Mon corps n'a jamais produit de mélanine, je suis donc toute pâle.

J'arrive devant une petite maison, recouverte de poudreuse, comme toutes les autres. Je pousse le petit portail en bois, qui reste toujours ouvert.

La neige du chemin grince sous mes pieds, il faut dire que je ne déblaye jamais l'entrée.

Ma respiration s'élève dans des volutes de vapeur devant mon visage, tandis que je me bats avec le métal froid de la clé, qui finit par tourner dans la serrure.

Je rentre chez moi, plongée dans l'air chaud de la petite demeure.
Je quitte mon manteau, mes chaussures et mon bonnet, avant de rejoindre le salon, mon sac de sport sous le bras.

Ma mère est couchée dans le canapé, comme toujours. Je pousse un soupir de lassitude.

Mon père est mort quand j'avais douze ans. Accident.
Ici la neige ne pardonne pas.

Depuis ce jour, ma mère a cessé de vivre, n'étant plus qu'un corps sans âme.
Ce canapé est devenu sa tombe. Elle y passe ses journées, couchée là, dans le pull de son défunt mari.

Ce vêtement rejette une odeur âcre de tristesse, de mort et de vodka bas de gamme.
Je hais cette odeur, je hais ce pull, je hais ce corps sans vie que devient ma mère.

Elle dort, bercée par l'alcool, flottant dans un monde second.

"- Bonjour mère..."

Ma voix plane dans la pièce, sans réponse, comme une habitude, presque une prière silencieuse de changement.

Je monte dans ma chambre, sans manger.

Mon sac retombe lentement sur le lit, après mon lancer franc, et je ne tarde pas à  vérifier son contenu. Contenu plutôt prestigieux...

Des montres de valeur, des bijoux, du cash, un foulard hermès... De l'argent sous toutes les formes.

Entre autre, mon gagne-pain de la journée. Pour tout dire, je suis une voleuse, gagnant mon pain en volant celui des autres. Je ne suis pas fière, mais il n'est plus question de fierté. Non, il est question de vivre. Ou de survivre.

Ma mère étant devenu morte dans un corps vivant, je me suis retrouvée livrée à moi-même. Il fallait continuer mes études, payer le loyer, nous trouver à manger. Dans ce pays où le froid vous ronge de l'intérieur, vous dévorant si vous ne vous battez pas.

J'ai pris le choix de vivre, et j'ai appris sur le tas à voler. Mes débuts ont été difficiles. Mais comme le dit le dicton, c'est en forgeant qu'on devient forgeron.

Et ce nouveau "métier" m'a forgée à brut. Mes soirées passées au poste, dans cette cellule froide et repoussante, ne se comptent plus. Le shérif de la ville me connait bien, je suis devenue son amie au fil des jours. Comme deux compagnons d'infortune, il allège mes peines, connaissant mes aventures.

La Voleuse De FloconsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant