Chapitre 40

336 51 22
                                    

Je suis toujours lancée sur les routes enneigées, m'éloignant un peu plus de mon ancienne vie à chaque seconde. Au volant de la Jeep, je ne peux m'empêcher de ressasser mes souvenirs. 

Je remue la tête sur l'air de la musique que diffuse la radio. Je me remémore la première fois où j'ai rencontré Jonathan, dans le petit bar miteux du coin. Je ne l'avais jamais vu au par-avant, bien que je connaisse toute la ville, et la plupart de ses habitants. 

Il est apparu comme ça, venant de nul part, bouleversant mon monde comme un ouragan. Comment cet homme, presque inconnu, a fait pour que je sois prête à abandonner ma vie pour le suivre au bout du monde ? 

Je me rends maintenant compte de l'absurdité de ma quête. Que ce passera-t-il une fois à l'aéroport ? Et même si je le retrouve, comment réagira-t-il ? 

De toute façon, il est trop tard. En franchissant les murs de la ville, je savais très bien que je passais le point de non-retour. 

Je prends une grande inspiration pour me vider l'esprit, me reconcentrant sur la route déserte devant mes yeux. 

***

(Point de vue de Jonathan)

Je suis assis sur l'un des nombreux sièges de l'aéroport, Toule est à côté de moi. Je tiens ma valise d'une main, fixant la grande horloge aux rouages apparents, sur le mur d'en face. 

Nous sommes là, tous les deux à guetter l'annonce des départs pour nos vols respectifs, dans une attente longue et pesante. 

Un grand nombre de personnes se pressent de tous les côtés dans un bruit assourdissant. Contrairement aux paysages apaisants et au calme omniprésent qui règne à Nantilly, ici, j'ai l'impression de me retrouver au plein milieu d'une fourmilière. 

Bientôt nos chemins se sépareront, l'avion de Toule partant avant le mien, avec La Chine pour destination. Après avoir passé ces quelques années à vivre ensemble comme des frères, je suis triste de le quitter lui aussi. Je me suis fait à sa présence tranquille, son incroyable sang-froid dans toute situation et à son humour léger. Je vais ressentir comme un vide lorsqu'il disparaitra. 

L'immense horloge indique 10:00.

Je sais que  son avion décolle à 10h30 et que les adieux ne vont pas tarder à arriver. Je redoute ce moment de séparation, mais il faut bien passer par là. Aujourd'hui sera dur, car j'abandonne tout, mais au bout du tunnel une nouvelle vie m'attend. La vie dont j'ai toujours rêvé, sans contrainte, une vie de liberté. 

Les minutes passent lentement, nous restons silencieux au milieu du vacarme environnant. Toute cette vie ne nous atteint pas, nous sommes tous deux murés dans nos propres pensées. 

À 10h05 le panneau d'affichage émet un léger tintement indiquant une nouvelle information. Nous tournons les yeux vers celui-ci à l'unisson, pour voir quel hall d'embarquement vient d'apparaître. 

Départ pour la Chine, Hall D. 

Nous échangeons un regard avec mon compagnon, qui commence à se lever. Je me lève à mon tour, légèrement perdu. Il sourit avec simplicité, montrant son sang-froid et son calme habituel. 

"- Il va falloir que j'y aille petit, me dit-il avec une voix tranquille. 

- C'est là que nos chemins se séparent, n'est-ce pas ?"

Il hausse le épaules avec indifférence. 

"- Pour peut-être mieux se recroiser par la suite, il me fixe, qui sait de quoi demain sera fait ?"

Je ne réponds pas, me contentant de le regarder en retour. Il pose une main sur mon épaule dans un geste rassurant et affectif. 

"- Je t'aime bien, petit.

- Quand arrêteras-tu de m'appeler 'Petit' ? 

- Probablement jamais, dit-il en haussant les épaule une nouvelle fois, avec indifférence. Il te faudra devenir grand un jour."

Je souris, voyant qu'il reste, comme toujours, fidèle à lui même.

Malgré tout, mon sourire ne tarde pas à s'éteindre, en me rappelant qu'il faut se séparer. 

Je reprends la parole. 

"- Je ne m'en serais pas sorti sans toi. 

- T'inquiète pas. Aller, à une prochaine fois peut-être."

J'hoche la tête. Ces simples mots furent les derniers. Sa main a glissé doucement, lâchant mon épaule. Il s'est retourné et je l'ai regardé disparaître au milieu de la foule. J'ai continué de le fixer jusqu'à ne plus pouvoir le voir, pour me retrouver seul au milieu de l'aéroport. 

Je me suis assis de nouveau, avec un sentiment encore plus insupportable en attendant que les secondes défilent. Maintenant je suis seul, il n'y a plus que moi. 

Gwenn revient vite hanter mes pensées, je me demande où elle est à ce moment même. Je l'imagine à l'hôpital, les infirmières branchant les perfusions dans ses bras, tandis qu'elle garde une expression livide. Un frisson traverse mon corps à cette pensée. 

Je n'ai qu'une envie c'est qu'elle apparaisse, qu'elle soit là avec moi. Mais étant dans le seul train de la journée je sais que tout cela est impossible. Je soupire, et un tintement bien reconnaissable ne tarde pas à attirer mon attention. 

Je lève les yeux pour voir le vol en direction de Paris apparaître, sur le panneau numérique. Mon hall d'embarquement vient d'être annoncé, il est 10h45. Il faudra être patient.

La Voleuse De FloconsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant