Chapitre 31

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Jess et moi sommes toujours collées sur le rebord de sa fenêtre, face au croissant de lune qui illumine le ciel d'une douce lumière apaisante.

Mon amie reprend la parole.

"- Bien que je respecte ton avis, commence-t-elle, je pense qu'il serait plus raisonnable de faire ce traîtement.

- Je sais oui.

- Sans cette histoire il ne s'agit pas que de toi, tu dois essayer de vivre pour les autres aussi.

- Comment ça, vivre pour les autres ?

- J'ai besoin de toi, moi. Reprend-elle sérieusement, j'ai besoin d'une amie et pas n'importe laquelle.

- Oui mais..

- Et plus que tout, ta mère a besoin de toi, que deviendra-t-elle si tu n'es plus là ?"

Je prends ma tête dans mes mains, ne sachant plus que faire. Elle pose une main réconfortante sur mon épaule.

"- Moi ce n'est pas un problème, c'est égoïste de ma part de vouloir te garder près de moi. Mais ta mère a vraiment besoin de toi."

Je soupire.

"- J'ai l'impression de porter le monde sur mes épaules... Dis-je lascivement.

- C'est dur hein ? Ironise-t-elle tristement. "

Oui c'est dur. Comment faire le choix d'une vie et d'une mort. Je suis trop impuissante pour décider de telles conséquences.

D'un côté, je sacrifie les autres pour vivre pleinement comme je l'entends et jusqu'à la dernière minute. D'un autre, je me sacrifie pour les autres, oubliant ma vie pour les préserver, un traîtement m'offrant un peu plus de temps, dans une vie que je ne désire plus.

Malgré tout, je ne peux être égoïste, cela ne se fait pas, c'est une question de conscience. Je ferme les yeux, comme pour abandonner ma vie et les désirs bouillonnants au fond de moi. J'abandonne, pour un bien. Un mal pour un Bien.

"- Demain j'irais à l'hôpital, murmuré-je d'une voix éteinte.

- Promis ?

- Oui, promis.

- Je suis fière de toi."

Jess me prend dans ses bras, frottant affectueusement mon dos en signe de réconfort.

Je me sens glisser dans une douce somnolence, vaincue par toute la fatigue émotionnelle et physique, accumulée durant ces derniers jours.

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J'ouvre les yeux. Le blancs du ciel au dessus de moi agresse violemment ma rétine, je plisse les yeux pour contrer cet assaut de lumière. Je suis allongée sur le toit, une couverture me protégeant de la couche de neige qui m'a lentement recouvert durant la nuit. Jess dort paisiblement à mes cotés, les joues rougies par le froid du pays. J'observe durant quelques instant les traits fins et anguleux de son visage, encadrés par sa chevelure brune et gelée.

Une amie comme cela, il n'y en aura qu'une.

Je me redresse doucement, faisant un effort pour ne pas la sortir de son sommeil, avant de dégager le sac de la neige. Je me laisse glisser le long du toit, laissant une longue trace dans la poudreuse toute fraîche, pour ensuite descendre le long de la gouttière et rejoindre la rue.

Je suis gelée. Je me débats pour réveiller mes muscles endoloris par le froid.

Je jette un dernier regard en direction de la maison de Jess, avec une expression résignée sur le visage. Je me mets en route, marchant d'un pas franc, tel un combattant obstiné, qui marche vers son destin qu'il sait inévitable.

Je dois faire ce qu'il faut, je l'ai promis. Alors je vais me rendre à l'hôpital, donner tout mon argent et me faire soigner.

Je sens la neige fraîche de la nuit crisser sous chacun de mes pas, tandis que mon esprit est vidé de toute pensée, je marche. Je marche et c'est tout.

Le monde bat son plein autour de moi, les voitures s'élancent sur les routes, les pneus armés de chaines.

Les gens sortent progressivement des maisons pour se rendre au travail. La ville s'éveille et vit au rythme de ses habitants. Je n'ai plus l'impression d'appartenir à tout ceci, je me sens vide, comme si un feu s'était éteint en moi.

La vie bat, tremblante et puissante tout autour, mais moi je suis morte dans ce monde. Mon corps lancé dans un rythme lasse et triste fait penser à un mort vivant, errant sans but. Pourtant j'ai un but, un but maudit.

je passe devant le Whitecoffée et sors de ma triste léthargie pendant quelques seconde, pour fixer le café entrain d'ouvrir. Je le fixe en silence, regardant le jeune barman avec sa barbe bien fournit remonter la grille du magasin et commencer à sortir les tables sous la petite véranda en bois.

Je suis là, plantée dans la neige, au milieu de la rue à fixer le café, les souvenirs passés sous cette véranda défilant dans mon esprit comme une vieille cassette qu'on rembobine.

Le barman finit par remarquer mon comportement plus que bizarre, puisqu'il marche jusqu'à moi délaissant pour quelques instants son travail matinal.

"- Tout va bien ? Dit-il avec un soupçon d'inquiétude dans la voix."

Je cligne des yeux pendant quelques secondes, avant de me souvenir que cela se fait de répondre à une question. Je tourne légèrement la tête vers lui, lâchant le Whitecoffe des yeux.

Je le fixe intensément, tout le désespoir coulant dans ma faible voix.

"- Je ne sais pas, mais alors vraiment pas. répondis-je simplement. "

Il semble vraiment troublé par ma réponse, puis finit par sourire avec une gentillesse bien perceptible.

"- Je t'offre un café ? On a pas encore ouvert, l'endroit est calme pour le moment... Tu as peut-être juste besoin de réfléchir un peu ?

- Je veux bien. "

Il fait volte face pour rentrer dans son magasin et je me lance à sa suite, mes mains commençant à trembler. Après avoir refermer la porte de la petit véranda derrière nous, il se dirige vers le bar en bois vieillit et je m'assois sur un tabouret haut devant celui-ci.

"- Tu es une cliente habituelle je me trompes ? Tu ne serais pas une amie de notre serveur ?

- Oui, j'aime bien cette endroit, je le connais un peu à force de venir ( en parlant du serveur évidemment).

- Moi de même, j'adore cet endroit, me répond-il en souriant."

Il pose un café fumant devant moi avant de s'accouder au bar, tenant son visage avec ses poings.

"- Alors dis moi, qu'est-ce qui va pas ? C'est la première fois que quelqu'un fixe le café d'une telle façon, si tôt le matin !

- Et bien ces temps-ci ma vie est légèrement ... Compliquée dirais-je. "

Je soupire en attrapant la tasse, le barman me fixant toujours en buvant mes paroles. Ce type respire la sociabilité et la générosité.

"- Comment ça ?"

Je prends une grande inspiration, mes mains tremblant de plus en plus fort tandis que le liquide s'agite dangereusement. Les larmes au yeux, je me confie.

"- Je... Je n'ai pas la volonté de faire ce qu'il faut... D'aller jusqu'au bout, dis-je d'une voix chevrotante."

Il passe une main réconfortante sur le haut de mon crâne et je ne le repousse pas, complètement perdue dans ma tristesse. Je laisse mon stress couler alors que de grosses larmes dévalent dans un contact humide le long de mes joues.

"-En réalité... Je suis totalement perdue."

La Voleuse De FloconsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant