Chapitre 25

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Je prends une grande inspiration, avant de glisser mon corps mince dans le tuyau, délaissant le paysage enneigé derrière moi.

Étant un conduit fait pour apporter de la chaleur, il y fait vite chaud et je finis par transpirer et respirer difficilement. J'avance comme je le peux, rampant aussi vite que mes muscles le permettent, dans ce petit espace étouffant. Mes pensées envahissent tout l'espace, mêlées à un torrent de sentiments qui se déversent en moi.
Je suis stressée, apeurée, excitée... Tout se mélange.

Voilà dix minutes que j'avance à tâtons dans la chaleur, au milieu de l'obscurité la plus totale, ne pouvant plus apercevoir ni l'entrée, ni la sortie. Je commence à me sentir oppressée, comme un claustrophobe emprisonné dans un petit espace réduit et sombre.

Je pense que dans la situation où je suis, n'importe quelle personne normalement constituée, aurait finit par se sentir étouffée, prise au piège.

Je compte mes respirations.

Inspiration.

Expiration.

sans jamais arrêter ma progression dans le conduit. Je dois atteindre le bout. Je le dois, sinon plus rien n'aura de sens. Je garde mon calme, faisant de mon mieux pour éviter la crise de panique.

Faire une crise de la sorte dans cet endroit, serait vraiment la dernière chose que je souhaite pour le moment.

J'aperçois une faible luminosité devant moi, indiquant pour mon plus grand soulagement la fin du tuyau. Je souris, tout de suite plus confiante. Je force le rythme pour finir devant une grille d'aération. 

Je m'arrête fixant la grande pièce encombrée de tableaux endormis, à travers les rainures métalliques.

Je me contorsionne comme je le peux, pour attraper mon téléphone qui se trouve dans une poche de ma combinaison. Je le hisse à la hauteur de mon oreille après avoir composé le numéro du voleur.

J'écoute les longues sonneries, le cœur battant, celles-ci instaurant une ambiance angoissante.

Je finis par entendre la voix grave et ambrée de mon équipier contre mon oreille, je pousse instinctivement un soupire de soulagement. 

"- Gwenn ? dit-il tout bas, tout va bien ? 

- Je vais bien, je suis au bout du conduit, où en es-tu ?

-  J'ai pris possession de la salle de contrôle, j'attendais ton signal pour couper le courant. Il ne faut pas trop tarder un second gardien risque d'arriver bientôt, il faut que j'ai le temps de filer."

Je sens mes muscles crispés se détendre légèrement, rassurée de savoir que le plan se déroule comme nous l'avions prévu. 

J'entends sa respiration légèrement saccadée, et étrangement ça me fait un bien fou de savoir qu'il est là, au bout du fil.

"- Je suis prête." 

J'entends une grande inspiration, comme s'il se donnait du courage pour me dire quelque chose, mais il se ravise.

"- Très bien, je coupe dans 5,4,3,2,1... maintenant. Bonne chance, je compte sur toi."

Je raccroche, déclenchant le minuteur de ma montre, avant de décrocher avec habilité la grille devant mes yeux.

5 minutes, pas une de plus. les secondes défilent avec une vitesse folle sur le cadrant, augmentant mon rythme cardiaque. Je me dépêche de sortir du conduit.

Un sentiment de plénitude m'envahit quand je me sens de nouveau libre de mes mouvements. Je me mets en route, parcourant les salles d'un démarche féline.

Je connais le chemin par cœur pour me rendre au tableau, j'ai étudié les plans du musée une centaine de fois autour d'un café avec Jonathan.

De bons moments.

Je secoue la tête pour me concentrer sur mes problèmes actuels.

J'évolue rapidement, traversant les salles épurées du musée, seulement décorées par de somptueuses œuvres d'arts, mêlant couleur, simplicité, beauté, folie...

Je finis par arriver dans la fameuse pièce, jetant par la même occasion un coup d'œil au conteur. 

3:56. J'ai mis un peu plus d'une minute. Je ne dois pas perdre de temps, où je peux préparer mes affaires pour un voyage au pénitencier. 

Je me retrouve enfin en face de l'œuvre, le fruit de tous nos effort et peut-être la clé de ma vie. Étrange de dire cela, alors qu'il ne s'agit que d'une toile. Du papier, de l'eau et de la peinture. Comme quoi la vie ne tient vraiment pas à grand chose.

Elle représente un train, avançant sous la neige, quittant la gare sous ce paysage romantique. Sur le quai, il ne reste qu'un seul homme, une ombre sous la neige.

Je décroche le tableau avec douceur et minutie, tout en continuant de le parcourir des yeux, oubliant les secondes qui défilent. Malgré ce magnifique paysage enneigé, ce que je préfère c'est cet homme. Juste lui, qui contraste avec tout le reste, abandonné sur le bord, alors que tout son monde semble s'en aller bien loin.

Je défais avec précaution la toile du cadre, recouvert de dorures et d'arabesques, avant de la rouler avec rapidité sur elle même, faisant disparaître le paysage glacial.

Je jette un coup d'œil sur mon minuteur, 2 min.

Tout c'est bien passé jusque là, il ne me reste plus qu'à sortir et retrouver la neige, en possession de cette toile, la clé de ma survie sur ce monde.

La Voleuse De FloconsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant