La Voleuse De Flocons

Chapitre 15

En sortant du bar, je reste quelques secondes immobile. La nuit est tombée bien vite, comme tous les soirs.

Il s'est arrêté de neiger, laissant juste l'obscurité recouvrir le pays.

La lune toute ronde et lumineuse, semble veiller sur nous d'un œil protecteur. Surveillant tous les mortels, qui ne dorment pas encore.

Je regarde mon téléphone.
Trois appels manqués du lycée, sans surprise, je décline, sans surprise aussi.

Un message de Jess.

" Tu veux venir ce soir ? Pour une fois qu'il ne neige pas. "

Je m'empresse de répondre, le sourire aux lèvres, en constatant que Jessica et moi sommes vraiment sur la même longueur d'onde.

" J'arrive :) besoin d'un paquet ?"

La réponse ne se fait pas attendre, le téléphone vibrant dans mes mains.

" Non, j'ai fait le plein en sortant du lycée. Manque plus que toi :p"

Je me mets en marche, pressée de partager une nouvelle soirée en compagnie de ma meilleure amie.

Je ne le dirais jamais assez, mais ces soirée sur le toît, sont les meilleures de toutes.

Mon sommeil attendra.

Je jette un autre regard sur la lune. Il va falloir que tu veilles sur moi, encore une nuit.

Je marche dans les rues sombres et désertes, le cœur léger.

Le bruit des pneus d'un voiture perçant la neige se fait entendre, attirant mon attention. Je me retourne, reconnaissant sans hésitation la voiture de service du shérif. Elle s'arrête à ma hauteur, tandis que la vitre se baisse, laissant apparaître le visage amical du protecteur de la ville.

"- Bonsoir Gwenn. Dit-il en souriant.

- Bonsoir shérif. Vous patrouillez ce soir ?

- Oui, et je ne suis pas étonné de voir que le couvre-feu n'a pas d'effet sur toi."

Je souris. J'aime vraiment cet homme, qui s'efforce de faire respecter la loi à Nantilly. Bien que je lui donne du fil à retordre, il semble m'apprécier tout autant.

Quand il parlait du couvre-feu, il ne rigolait pas vraiment. À Nantilly, passé vingt-heure, les mineurs n'ont plus le droit d'être dehors. En toute logique, c'est une règle de plus que je transgresse.

Voila aussi pourquoi les rues sont si souvent désertes le soir.

Je lui souris.

"- Vous ne m'avez pas vu.

- Comme d'habitude, soupire-t-il en levant les yeux au ciel, comment vas-tu Gwenn ?"

J'hausse les épaules. Je peux tout lui dire, il garde mes secrets et me couvre depuis si longtemps. C'est un homme bon, sûrement celui que je respecte le plus dans cette ville.

"- ça ne va pas fort, pour tout vous dire. Je soupire.

- Tu peux te confier si tu veux.

- J'ai appris il y a peu que je suis atteinte d'une leucémie chronique, aujourd'hui j'ai commencé à cracher du sang.

- Je suis désolé pour toi, me dit-il sincèrement, il y a un traîtement possible ?

- Il coûte très cher, après tout, je ne mérite peut-être pas d'être sauvée. J'ajoute avec un air lucide."

Je vais essayer de trouver l'argent pour payer ce traîtement, mais je ne pense pas moins mes mots.

Il me regarde avec une sincérité qui lui est propre.

"- Tu sais Gwenn, personne n'est foncièrement bon ou mauvais, seulement certains frôlent les frontières. Mais je pense que dans ton cas, tu es infiniment blanche.

- Vous dites cela à une voleuse.

- On ne choisit pas toujours son destin. Je pense ce que je dis. Bonne nuit Gwenn."

Bien que je ne le montre pas, ses mots m'ont énormément touchés.

Je souris une nouvelle fois.

"- Bonne nuit shérif."

Il me fait un signe de tête avant de refermer la vitre. Je regarde la voiture de police s'éloigner avant de tourner au coin de la rue. Je me remets moi aussi en route, me dirigeant vers la maison de Jess, encore un peu bouleversée par ce que je venais d'entendre.

J'arrive devant la demeure, reprenant le même chemin qu'à mon habitude pour me rendre sur le toît. Je toque discrètement contre la fenêtre, la tête de Jess ne tardant pas à en sortir en souriant.

Elle sort, installe le plaid, et nous nous asseyons côte à côte sur le rebord comme à notre habitude.

Je regarde le ciel, pendant qu'elle sort son paquet de cigarette.

Les étoiles sont magnifiques ce soir, faisant pétiller mes yeux.

"- Le ciel est magnifique, dis-je tout bas.

- Iui, profitons-en pour le regarder."

Elle m'en tend une, que je coince entre mes lèvres pendant que je cherche mon briquet.

J'ouvre celui-ci entre nous deux, et nous nous penchons en même temps pour laisser la petite flamme, embraser les deux cigarettes.

Je trouve ce moment de partage magnifique.

J'aspire la fumée qui descend dans mes poumons, avant de ressortir par mes narines pour se perdre dans le ciel. Je penche ma tête en arrière pour mieux profiter, me reposant conte la vitre derrière moi.

Je sonde le ciel, sans chercher quelque chose de précis, laissant la fumée me réchauffer de l'intérieur.

Nous ne disons rien, profitant pleinement de ce moment.

Jess croise les bras sur ses genoux, sa cigarette coincée entre deux doigts.

Elle me fixe.

"- Que s'est-il passé après la sonnerie ?

- J'ai fait le mur.

- Tu as sauté par dessus le portail !? Dit-elle surprise.

- Oui.

- On peut dire que tu ne manques pas de culot."

Nous nous sourions mutuellement.
Je tire quelques longues bouffées, regardant le papier se consumer sous la braise ardente.

"- Que S'est-il passé ensuite ?

- J'ai fait une crise."