Chapitre 33

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Je suis toujours face à l'imposant bâtiment de soins, à quelques marches de la grande porte principale. Celle-ci ne cesse de s'ouvrir sous les allés et venus des habitants paniqués.
Tout ce petit monde s'affole autour, la sirène des secours résonnant au loin. Je ne bouge pas, indécise, ignorant le reste. 

Je fixe cette porte, ma promesse planant au dessus de mon âme, telle une malédiction. 

Mes pensées dévient vers ma mère. Je l'aime, encore plus que pour Jess, je fais tout ceci pour elle. Si je ne suis plus là, qui la protégera ? Qui prendra soin d'elle ? La vérité et là, si je disparaîs, ma mère va doucement et inévitablement mourir. Jamais elle n'aura la force de se relever. 

Au contraire. 

Je regarde inconsciemment mon souffle s'envoler en une fumée translucide devant mes yeux, plongée dans un débat intérieur. 

Il suffit de faire trois pas en avant, trois pas et mon destin sera scellé. Où s'est donc envolée ma volonté ? 

Mon regard dévie vers le sol.

Mon pied droit se soulève pour se poser avec délicatesse sur la marche suivante. Je ferme les yeux, y mettant toute ma volonté. 

"- Pour la promesse que j'ai fait à Jess et à Jonathan."

Je respire un grand coup, serrant l'anse du sac contre ma poitrine. Mon deuxième pied se soulève pour me transporter sur l'avant-dernière marche, je me concentre sur le contact dur du béton sous mes pieds, tout en serrant les dents. 

"- Pour guérir de cette maladie et rester en vie. "

Je pose un nouveau pied sur la dernière marche, fixant la porte que je rejoins inexorablement. 

"- Pour repousser la mort et que tous ces combats et ces efforts ne soient pas vains."

Maintenant en haut des marches, seulement deux pas me séparent de l'intérieur de l'hôpital, je suis étonnée de devoir mettre tant de force et de volonté dans quelques pas, mais il s'agit pour moi d'un choix si difficile à prendre. 

Un pas en avant. 

Les portes automatiques s'ouvrent devant moi dans un crissement rapide, je serre un peu plus le sac contre moi. 

"- Pour ma mère, pour qu'elle vive."

Je sens mon pieds se soulever, quittant le contact dur et rassurant du sol. Malgré tout, il s'arrête en suspend. 

Un dernier pas.

"- Pour..." 

Dis-le. Dis 'pour moi'.

Dis-le, nom de dieu.

Fais-le !

"- Pour... Pour..."

Je regarde l'argent qui doit bientôt me sauver la vie, tout en continuant de me faire mentalement violence. 

Fais le Gwenn. Ce traîtement va t'offrir la vie, tu n'as pas le choix, alors vas-y.

"- Pour..."

une larme silencieuse glisse rapidement le long de ma joue, alors que quelqu'un me frôle pour passer par cette porte que je ne peux pas me résoudre à franchir. Mon cœur bat fort dans ma poitrine résonnant dans mes tempes.

"- Non."

Je ferme les yeux de rage. NON. Je ne le ferais pas. Jamais. Je me retourne, tournant le dos à cet hôpital, fixant la neige qui tombe sur la ville, le sourire aux lèvres. 

"- La vie est éphémère, et c'est ce qui la rend diablement belle. Murmuré-je pour moi-même."

Je dévale les escaliers, m'éloignant de cet endroit pour rejoindre ma maison, tout en sortant mon téléphone. 

8h23.

Tout n'est pas encore joué, maintenant c'est une course entre le temps et moi. ( NDA : référence au temps. C'est ma passion :3...)

Je compose un numéro, que j'avais gardé dans mon téléphone "au cas où...", il y a longtemps. 

Une sonnerie, deux sonneries... Je respire plus vite, l'adrénaline remontant en moi comme une vague salvatrice.

"- Allô ? Dis-je avec empressement et espoir. 

- ...

- J'ai besoin de vos services. 

-....

- Oui, j'ai l'argent qu'il faut, retrouvez-moi à cette adresse...

-...

- Quand ? J'ai besoin de vous maintenant, le plus tôt possible ! C'est primordiale !

-...

- Le plus vite possible ? Parfait, merci. Vous m'offrez une belle chance monsieur. À tout de suite."

Je raccroche, tenant mon téléphone fermement dans ma main, le sac toujours avec moi. Je me remets en marche, l'espoir poussant chacun de mes pas un peu plus fort en direction de ma maison, qui heureusement n'est pas très loin d'ici. 

Sur le chemin, je décide d'envoyer un message à Jess, avec l'impression au fond de moi que je ne la reverrai probablement pas. Je laisse mes doigts glisser sur le clavier tactile avec un léger pincement au cœur.

Message à Jess :

" Pardonne moi. Je ne peux pas, ma vie m'attend ailleurs. Plutôt mourir, que de vivre une vie que je ne désire plus. Certaines promesses ne sont que du vent et ne peuvent être tenues. Désolé. Je t'aime."

j'hésite quelques instants à envoyer ce message, avant de ranger mon téléphone pour reprendre une marche plus rapide.  

Je le ressors quelques instants plus tard en entendant un léger vibrement, dans la poche arrière de mon jean. 

message de Jess :

" je le sentais au fond de moi, après tout je te connais comme si je t'avais faite. J'ai toujours pensé que ta vie était ailleurs, loin de cette ville, alors vies tant que tu le peux encore. Vas découvrir de nouveaux ciels."

Je souris en rangeant de nouveau l'appareil dans ma poche, me rappelant la discussion que nous avions eu une nuit sur son toît.

Découvrir de nouveaux ciels.

C'est avec des milliards de nouvelles pensées et de souvenirs à l'esprit que je me remets en route, d'un pas soutenu.

Je finis par arriver, essoufflée, devant chez moi, je fixe brièvement les horizons. Personne en vue, ils ne sont pas encore arrivés, tant mieux, ça me laissera quelques instants pour discuter avec ma mère. 

Je serre les dents en poussant mon petit portail enneigé, sachant très bien que cette discussion est primordial. Je pense qu'il est plus que temps d'annoncer à ma mère que j'ai un cancer. 

Je me fraye un chemin au milieu de l'épaisse poudreuse qui repose sur mon allée, en me haïssant encore une fois de ne jamais déblayer devant chez moi. 

Je m'arrête devant ma porte, hésitante. Je sais que je suis entrain de jouer les moments les plus importants de ma vie, et qu'une fois que tout sera fait, je ne pourrais plus revenir en arrière. Je dois peser avec précaution chacun de mes actes, bien que le temps me soit compté. 

Mais qui peut dire de quoi sera fait l'avenir ? 

Je prends une grande inspiration avant de faire tourner les clés dans la serrures, dans un bruit métallique et angoissant. J'actionne la poignée. 

Il est temps de faire face, je ne peux plus me cacher et fuir continuellement.

La Voleuse De FloconsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant