Chapitre 27

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Le monde s'arrête de tourner, alors que mon corps heurte le sol. Le choc résonne en moi comme un écho sourd.

Ma vue est floue. Je ne sens plus rien, juste un vide. Je ne sens même pas qu'on m'attrape, je ne sens pas que Jonathan me secoue de toutes ses forces.

Mon corps m'abandonne dans une douce transe.

Tout est calme.

Je n'ai plus d'autres sensations, juste un calme réconfortant alors que je plonge doucement dans l'inconscience.

...

J'ouvre les yeux.

Je respire fort, me rappelant les derniers événements de la veille. Enfin, jusqu'à mes derniers souvenirs. C'est vrai, combien de temps a-t-il pu s'écouler depuis ce trou noir ?

C'était le néant. Plus rien, juste un vide, presque agréable.

Je tourne lentement la tête pour découvrir les lieux, avec une certaine léthargie. Je suis dans une chambre aux tons neutres, qui me sont parfaitement inconnus. Mon corps est allongé sur un lit double aux draps noirs comme l'ébène.

Je caresse doucement le tissus du bout des doigts, l'odeur imprégnée remontant jusqu'à mes narines.

Ces draps sentent plutôt bon. Ils sentent... Comment exprimer cela ?

Ils sentent... L'homme. Des notes boisées masculines rehaussées d'agrumes et d'épices.

Je souris à ma drôle de pensée.

Je me redresse, mes os du dos craquant lorsque je me contorsionne. Je m'assois sur le rebord du lit, un frisson parcourant mon corps quand mes pieds nus touchent le sol froid.

La pièce baigne dans une douce pénombre. Elle est seulement éclairée par quelques rayons de lune translucides qui réussissent à se faufiler à travers la petite fenêtre. On doit être en plein nuit, je ne saurais dire quelle heure.

Où suis-je ?

Je suis encore dans ma combinaison ensanglantée. La personne qui m'a amenée a eu la décence de ne pas m'enlever mes vêtements, alors que j'étais inconsciente.

Je me lève avec précaution, sentant mon corps fragile et mes muscles fatigués.

Je déteste cette sensation d'être faible, j'aimerais être forte, inébranlable comme un roc. Mais mon corps se meurt, je le sais, il ne faut pas se leurrer c'est la vie. Personne n'est invincible.

J'ouvre la petite fenêtre pour m'accouder au rebord, observant ce paysage méconnu.  Une chose est sûre, je n'ai pas quitté Nantilly. Je trouve cela surprenant de ne pas être plus inquiète que ça, vis à vis de la situation.

Je suis étrangement calme.

L'air frais balaye mon visage. Il me réveille en douceur, faisant virevolter mes cheveux détachés qui retombent en une cascade pure et blanche sur ma poitrine.
Elle est là, comme toute les nuits, à la même place. Le croissant de lune me regarde et je me dis que lui, il sera toujours là.

"- J'ai remarquer que tu regardais souvent la lune."

Je souris, reconnaissant avec plaisir cette voix grave et ambrée au rythme apaisant. Je sens sa présence dans mon dos, il est là dans l'ombre, juste derrière moi.

Pas besoin de me retourner pour l'observer. À force de le regarder, je connais ses traits par cœur, presque chacune de ses mimiques et de ses réactions.

Je l'imagine très bien, avec son expression neutre et ses yeux intenses, se tenant là, immobile, les mains plongées dans son jean délavé.

À quel moment as-tu fait une marque aussi profonde dans mon esprit pour que je pense à tout cela ?

Qu'est-ce qu'on devient maintenant, Jonathan ? Est-ce que c'est la fin du chemin, ou une nouvelle route qui commence ?

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( point de vue du shérif)

Je passe la main dans ma barbe rêche, plongé dans mes pensées. L'âge pèse sur mon corps et je me sens fatigué d'arpenter les rues de cette ville.

Depuis combien de temps maintenant essayais-je de faire régner l'ordre sur cette maudite ville ? Peut-être vingts ans, ou même trente. Je ne sais plus, ça fait trop longtemps.

Je fixe mes pieds, qui reposent sur le bureau en désordre, ruminant pendant mes heures de garde au poste.

Je pousse un long soupire. Comme pour beaucoup de gens, cette ville finira par être mon tombeau.

Je repose mon café âcre à moitié vidé, sur la table en métal au milieu des papiers éparpillés.

Au final, j'ai fini par me lasser de tout. Avant, le sens du devoir et de la justice me faisant vibrer, guidant chacun de mes pas. Maintenant je ne suis plus qu'une coquille vide.

Je me suis lassé de cette ville et de ses rues toutes identiques.
Je me suis lassé de cette neige toujours présente.
Je me suis lassé de ce café sans goût.
je le regarde avec horreur.

Bon, en réalité je n'ai jamais vraiment aimé ce café, on va dire que j'ai juste appris à le détester un peu plus avec le temps.

Je me suis lassé de presque tout. Mais pourtant une petite tornade vient parfois égayer ma vie fade.

Gwenn, cette petite je ne m'en lasserai jamais. Elle me fait sentir vivant.

Je n'oublierai pas toutes ces soirées partagées de chaque côté de cette grille, buvant ce même café répugnant.

Rien qu'à la regarder, cette fille me donne envie de me battre, de me révolter, de crier.

Le téléphone du poste sonne dans un bruit strident, coupant le cours de mes pensées. Je décroche avec une voix fade, tout en fronçant les sourcils.

"- Oui ? Ici le Shérif.

- C'est moi chef !

- Salut Newton, en service ?

- Oui Shérif.

- Dis moi tout.

- On vient de nous signaler un vol au musée. vous nous accompagnez ?

- J'arrive tout de suite."

La Voleuse De FloconsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant