53.

127 13 1
                                    

"Le lundi de la semaine suivante, je retourne en cours. Dans les couloirs tout le monde chuchote sur mon passage. Notre groupe est le centre de l'attention pour une ou deux semaines encore avant qu'un sujet plus "important" ne les captive tous.

Je salue tout le groupe de la main et les autres commencent à parler et je les écoute. Ce n'est pas comme avant, il y a plus de silences, moins de rire, mais peut-être qu'un jour nous pourrons parler de cet événement sans fondre en larme.

Les jours passent lentement, mais la douleur ne s'atténue pas. Aujourd'hui est censé être un événement important pour moi, mais je n'ai pas le cœur à la fête. Personne n'oublie mon anniversaire, et tout le monde essaye de sourire un minimum, mais je le sais, au fond de moi, que la plupart des sourires sont faux. La seule chose positive est le retour de ma voix. Elle est frêle et délicate, mais je peux exprimer tout haut ce que je pense tout bas.

Le soir, je me dispute avec Logan parce qu'il est absent de la réalité avec ses jeux vidéos. Je me prends une remarque de la part de ma mère. Je réplique en me plaignant de leur absence. Et quand Louka essaye de venir me parler après que je me sois faite punir, je l'envoie se balader. Allez savoir pourquoi, mais j'ai besoin d'être seule. C'est le pire anniversaire de toute ma vie.

Un peu plus tard dans la soirée, j'entends Hugo toquer à ma vitre. Je lui ouvre, et il rentre avec un immense sac à dos qui m'a l'air bien plein."

- Il faut que je t'explique, me dit-il en s'asseyant à côté de moi sur le lit.

- J'aimerais bien, lui répondis je en souriant.

"Dès que je le vois j'ai envie de sourire, je ne peux pas m'en empêcher, et la psychiatre que je vois depuis la mort de Benjamin m'encourage à sourire et rire en toutes occasions, même les plus funèbres."

- J'ai décidé de partir.

"Il me lâche ça comme une bombe, et elle explose dans mon cœur."

- J'en ai plus que marre de mon père, m'explique t-il. J'ai besoin de prendre l'air loin de la ville.

- Mais, balbutiais-je. Tu ne peux pas m'abandonner, dis-je les larmes aux yeux.

"Je suis égoïste. Mais c'est ce qui me choque le plus, le fait qu'il parte loin de moi."

- Ce n'est pas prévu. Je veux que tu viennes avec moi.

"Deuxième bombe, celle-ci est plus violente que la précédente."

- Ce serait pour combien de temps, demandais-je sans refuser ma présence.

- Aucune idée, ce n'est pas défini.

"Je ne réponds rien et réfléchis. Un peu plus tard il secoue sa main devant mon visage pour me faire réagir."

- Alors, est-ce que tu viens, me demande t-il plein d'espoir.

"J'ai besoin d'espace, de verdure, d'air frais et d'eau salée."

- Oui.

"Un grand sourire apparaît sur ses lèvres et il le prend dans ses bras. Quand il m'écarte un peu, il m'embrasse rapidement avant de prendre les choses en charges."

- On a pas la place de prendre un autre gros sac à dos, alors essaye de prendre un minimum. Mets des gros pulls et des pantalons, il fait encore froid. Enfile plusieurs couches de vêtements sur toi, et si tu pouvais prendre des sous et un minimum de nourriture ça nous éviterait de nous arrêter en chemin. Il faut qu'on s'éloigne vite.

"Je fais ce qu'il dit, et glisse tous les sous que j'ai accumulé dans une petite pochette. J'allais y glisser mon téléphone et son chargeur quand il me stoppe."

- Tu ne peux pas le prendre. On peut les pister maintenant, et comme on est encore mineur on reviendra rapidement à la maison. Et ce n'est pas notre but.

"Je prends conscience de ce dans quoi je m'engage au fur et à mesure que l'on avance, mais je ne renonce pas. Je descends doucement les escaliers et dévalise les étagères de barre de céréales, fruits, et tout ce qui peut être utile et facilement transportable. Demain la maison sera plus vide.

Je remonte à l'étage et finis le sac. Une fois ceci fait, Hugo passe par la fenêtre et m'intime de le faire également. J'acquiesce mais ne bouge pas. Je sors une feuille blanche d'un de mes cours. Dessus, j'écris une lettre pour mes parents :

«Maman, Papa, Louka et peut-être Logan,

Quand vous lirez cette lettre je serais loin.
Sachez que en aucun cas je ne vous en veux. Je suis partie pour moi. J'en ai besoin. S'il vous plaît, laissez moi du temps et ne me recherchez pas, je reviendrais.
Je m'excuse pour tout ce que j'ai dit, le poids que j'ai été, et les mauvais choix que j'ai fait.
J'ai une dernière chose à vous demander, excusez moi auprès d'Amy, Enora et Valentin. Je sais que c'est un mauvais moment.

Votre fille bientôt grande qui vous aime fort malgré tout,
Aline.»

En évidence à côté je laisse mon téléphone, et passe par la fenêtre. Je jette un dernier coup d'œil à ma chambre, ne sachant pas quand est-ce que je la reverrais. Je descends le plus silencieusement les escaliers de fers qui ne peuvent pas s'empêcher de grincer. Devant la moto de Hugo, je prends le sac à dos par dessus mon petit sac en bandoulière qui contient toutes nos économies. Je m'installe derrière lui, j'enroule mes bras autour de sa taille et le sens se contracter à travers le pull sous le toucher de mes mains. J'hume son odeur qui me remplit l'esprit et l'embrume légèrement. Je pose ma tête contre son dos une fois qu'il m'a fait enfilé le casque, et il démarre pour nous emmener loin."

- Où veux-tu aller, me demande t-il alors que nous patientons à un feu rouge.

- Loin. Très loin. Pourquoi pas la mer ?

- Va pour la mer, s'exclame t-il comme un capitaine de navire iI commande ses matelots.

"J'ai quitté ma famille, mes amis, toute ma vie, pour me reconstruire."

Destin cruel t.1 : AlineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant