Chapitre 28 - Tout s'effondre

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Je n'avais jamais songé que le monde pourrait s'arrêter de tourner, mais à cet instant c'est ce qu'il a fait. Tout s'est effondré d'un coup.

« Tu as un fils ? » ai-je dit d'une voix blanche. « Avec – avec elle ? »

Il n'a rien dit ; il a seulement hoché la tête, les yeux remplis de larmes.

J'avais l'impression que mes cordes vocales étaient définitivement paralysées. Il a un fils, avec cette femme, avec Helen...

J'ai retiré mes mains, plus vite qu'il ne s'y attendait. « Alors c'est pour ça qu'elle t'a appelé à Paris ? Pour ça qu'elle est ici, à Vancouver ? » Ma vision devenait floue ; mes yeux aussi étaient remplis de larmes.

« Oui. Jen, je ne savais pas - »

« Quel âge a-t-il ? »

L'expression sur mon visage devait être assez claire, parce qu'il n'a pas essayé de reprendre mes mains. « Il a deux mois et il s'appelle Evan. Elle ne me l'a jamais dit, parce qu'on ne s'était pas parlé depuis des mois quand elle a appris qu'elle était enceinte. »

« Tout comme toi tu ne m'as jamais parlé de ça. Tu disais qu'il ne s'était rien passé entre vous. » J'ai inspiré, mais ça ressemblait à un sanglot. « Quand ? »

« Quand ? Qu'est-ce que tu - »

« Quand ? »

L'expression de son regard a changé quand il a compris ce que je voulais dire. Cette fois il dû sécher ses larmes avant de répondre. « Le soir de la Première. »

J'ai eu l'impression qu'il venait de me poignarder en plein cœur. « Merde, Colin. Ce n'est pas rien. »

« Je sais, et je ne t'en ai pas parlé parce que ça ne signifiait rien. » Il a fait un pas vers moi.

J'ai fait un pas en arrière.

« Je t'en prie, Jen. Tu dois me croire. »

« Te CROIRE ? » J'ai secoué la tête et j'ai reculé encore, m'éloignant de lui. « C'est – c'est trop d'un coup. Vous devez le comprendre tous les deux, je ne veux pas faire partie de ça. »

Une larme a roulé sur sa joue et il a fait un autre pas vers moi. « Jen - »

« Non, ne dis rien. J'aimais le fait de n'avoir jamais à m'excuser auprès de toi, mais c'était avant tout ce merdier. Je suis désolée de t'avoir fait perdre ton temps. »

Il m'a rappelée après que j'aie tourné les talons et commencé à marcher, mais je ne lui pas accordé un regard de plus. Je tremblais de la tête aux pieds et chaque parcelle de mon corps me faisait mal alors que je réalisais ce qui venait de se passer.

Il y a quelques jours il m'avait dit que ce n'était pas juste la première et la dernière fois. Il y a quelques jours il m'avait dit qu'il était amoureux de moi. A présent je savais qu'il n'y aurait plus de moments comme Paris.

J'ai commencé à courir.

* * *

Quand je suis enfin arrivée à l'hôtel, je n'étais plus que sanglots. Je me suis effondrée sur mon lit, exactement comme le jour où je l'avais embrassé dans le lac, mais cette fois j'étais complétement anéantie.

J'avais couru parce que je connaissais trop bien Colin, et je savais qu'il ne pourrait pas se contenter de la laisser tomber alors qu'ils avaient un fils ensemble. La suite de cette histoire ne me concernait pas.

Je n'avais probablement pas pleuré comme ça depuis mes dix ans. Et bien sûr c'est le moment que mon cerveau a choisi pour me faire revenir en mémoire tous les souvenirs qu'on s'était fabriqués, ce qui m'a fait pleurer encore plus, jusqu'à ce qu'il ne me reste plus de larmes.

Je me suis levée du lit, je suis passée à la salle de bain et je suis revenue. Je ne savais pas quoi faire de moi-même, parce que c'était généralement dans ces moments-là que j'avais le plus besoin de lui.

Et il n'était même plus dans le même hôtel.

Il était dans son appartement. Avec Helen.

J'ai allumé la télé parce que je ne supportais pas le silence, mais mon cerveau ne captait rien de ce qui se passait à l'écran. Finalement, quand j'ai été suffisamment calme pour pouvoir respirer sans renifler, j'ai pris mon téléphone et j'ai appelé ma mère.

« Hey, Jenny ! » s'est-elle joyeusement exclamée en décrochant.
« Comment ça se passe à Vancouver ? Es-tu occupée ? Est-ce que tu dors assez ? »

J'ai fermé les yeux. « Oui, maman. Mais tu me manques. »

J'ai senti qu'elle était surprise de m'entendre dire ça. Je n'avais pas l'habitude de l'appeler quand j'étais dans cet état.

« Oh, tu me manques aussi, ma chérie. Sais-tu quand tu pourras revenir à Los Angeles ? »

« Certainement juste avant les vacances, » ai-je dit, mais je l'ai regretté aussitôt.

J'avais prévu de demander à Colin s'il voudrait passer Thanksgiving avec moi à Los Angeles. Je voulais le présenter à mes parents, mais j'ai réalisé que ce n'était plus vraiment un problème.

J'ai laissé échapper un sanglot – ce qui a immédiatement alarmé ma mère.

« Jennifer ? Est-ce que tout va bien ? »

« Oui, oui, » ai-je dit. Trop vite.  « J'ai juste hâte de vous revoir tous. Tu penses que Dan et Jules seront là ? »

« Oui, ils viennent tous les deux. Ton père a déjà préparé ton ancienne chambre. J'ai essayé de l'arrêter, mais tu sais à quel point il est enthousiaste – et combien il peut être entêté. »

J'ai fait un pauvre sourire et j'ai séché mes larmes.    « Je t'aime. Dis à papa que je l'aime, d'accord ? Et embrasse-le de ma part. »

« Bien sûr je le ferai. » Elle a hésité un moment. « Jennifer ? Es-tu certaine que tout va bien ? »

J'ai baissé les yeux sur les draps ; je savais qu'elle ne me croirait pas si je disais oui. Mais elle serait encore plus inquiète si je lui racontais ce qui s'était passé. Et elle ne connaissait même pas encore Colin.

« Oui, je vais bien. Ce boulot est parfois stressant, mais j'en savoure chaque seconde. »

Arrête, me suis-je crié intérieurement. J'étais en train de me mentir à moi-même et je le savais.

« Mon Dieu, je suis heureuse d'entendre ça. Tu me le dirais si quelque chose n'allait pas, oui ? »

« Bien sûr. »

Mais ce n'était pas le cas.

« Il faut que je sorte le pain du four. Je t'appelle la semaine prochaine, d'accord ? »

« D'accord, » ai-je soufflé en me raclant la gorge. « Ok. »

« Je t'aime. On se voit bientôt. »

« Je t'aime aussi. »

Quand j'ai raccroché le téléphone, il n'y avait pas un bruit excepté celui de la télé – et celui de la pluie qui tombait du ciel en rafales.

J'ai marché jusqu'à la fenêtre. Le temps était en train de se muer en une tempête typique de Vancouver, mais pour moi ce n'était pas seulement le début de l'automne.

C'était cette fin d'après-midi qu'on avait passé dans un café à Vancouver, c'était la nuit à San Diego et le matin à Paris.

J'ai cherché mon portable dans ma poche. Il y avait encore une chose que je devais faire. Et je savais qu'il n'était qu'à un coup de fil de distance.

J'ai appuyé ma tête contre la fenêtre glacée et j'ai mis le téléphone à mon oreille.

« Jen ? »

« Hey, Jesse. Je te devais encore un coup de fil. »


Note de l'auteur

Fait réel : Jen a une petite sœur, Julia, et un petit frère, Daniel.

The Fifth Floor [FR]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant